L’Union africaine (UA) est une fois de plus sous le feu des critiques. Cette fois, c’est une invitation controversée au président ukrainien Volodymyr Zelensky qui provoque une vague d’indignation, notamment chez de nombreux jeunes Africains qui dénoncent une organisation « déconnectée des réalités du continent ». L’UA, censée défendre les intérêts des peuples africains, est-elle en train de s’aliéner une partie de sa jeunesse en se pliant à des agendas étrangers ?
Un courrier daté du 5 février, consulté par RFI, révèle que le président ukrainien a été convié par le président de la Commission de l’Union africaine à prononcer une allocution vidéo à l’occasion du sommet de l’organisation qui débute le 15 février. Cette invitation, faite à la demande de Kiev, n’est pas une première : depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, Zelensky tente d’obtenir un soutien africain et de consolider des liens diplomatiques sur un continent longtemps négligé par l’Ukraine.
Mais cette fois, la réaction est plus virulente. Plusieurs États africains, dont l’Angola, qui prendra la présidence tournante de l’UA, contestent cette initiative. « Peut-il entamer son mandat par une allocution de Zelensky ? Impossible », affirme un diplomate angolais. Face à la montée de l’opposition, l’allocution pourrait être annulée.
Au-delà des États frondeurs, c’est surtout l’opinion publique africaine, notamment les jeunes, qui s’enflamme. Sur les réseaux sociaux, la colère est palpable. Beaucoup dénoncent l’incohérence de l’UA, qui semble davantage préoccupée par la guerre en Ukraine que par les conflits meurtriers qui ravagent le continent, de la RDC au Sahel.
« L’Afrique ne sera jamais invitée à Bruxelles pour discuter des affaires européennes ou ukrainiennes, mais nos dirigeants fantoches invitent un président occidental sans légitimité, complice de ceux qui ont massacré leurs ancêtres. Quelle bassesse ! », s’indigne un internaute sur X (ex-Twitter).
D’autres pointent du doigt l’attitude ambiguë de Kiev à l’égard du continent africain. L’Ukraine est accusée d’avoir soutenu militairement les groupes terroristes au Sahel, notamment au Mali, en leur fournissant du matériel et des mercenaires. Une position jugée intolérable par les partisans d’une Afrique souveraine qui ne veut plus être un terrain de jeu pour les puissances étrangères.
Sur les réseaux sociaux, les messages hostiles se multiplient :
•« Si Zelensky est présent, les présidents de l’Alliance des États du Sahel (AES) ne viendront pas. »
•« L’UA est incapable de résoudre les conflits internes en Afrique mais trouve le temps d’inviter l’Ukraine. Quelle honte ! »
•« Pendant que la RDC et le Sahel brûlent, nos dirigeants trouvent le moyen de faire de l’Ukraine une priorité. L’Union africaine est une farce. »
Un double standard qui irrite
Pour beaucoup, l’attitude de l’UA illustre une subordination totale aux intérêts occidentaux. Pourquoi l’Ukraine, un pays qui n’a jamais eu de relations significatives avec l’Afrique avant la guerre, mérite-t-elle un tel honneur ? Pourquoi l’UA ne consacre-t-elle pas autant d’énergie à résoudre les guerres qui ravagent le continent, de la Libye au Soudan en passant par l’Est de la RDC ?
Les critiques ne sont pas nouvelles, mais elles prennent une ampleur inédite. Beaucoup voient dans cette invitation une nouvelle preuve de l’échec de l’UA à défendre les intérêts des Africains. L’organisation, déjà décrédibilisée par son inefficacité face aux crises internes, risque d’aggraver son impopularité.
Vers une scission de l’UA ?
Face à cette situation, certains évoquent ouvertement la création d’une nouvelle organisation panafricaine, plus indépendante et réellement tournée vers les préoccupations du continent. Les États du Sahel (Mali, Burkina Faso, Niger) ont déjà montré leur volonté de s’émanciper des institutions qu’ils jugent inféodées aux puissances occidentales.
Un diplomate sahélien confie sous couvert d’anonymat : « Cette Union africaine n’est plus qu’une chambre d’écho des puissances étrangères. Nos peuples méritent mieux. »
Alors que le sommet de l’UA s’apprête à débuter, l’organisation est confrontée à une fronde qui risque de marquer un tournant. Loin de resserrer les liens africains, cette polémique pourrait bien être le signe avant-coureur d’une fracture profonde au sein du continent.