Le 1er juin 2025, lors d’une conférence de presse à Rabat, le ministre britannique des Affaires étrangères, David Lammy, a officialisé le soutien du Royaume-Uni au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental. Cette reconnaissance formelle, matérialisée par un communiqué conjoint signé avec son homologue marocain Nasser Bourita, constitue un tournant géopolitique majeur qui isole davantage l’Algérie et affaiblit les positions du Front Polisario.
La visite officielle de David Lammy à Rabat, ponctuée par la signature d’un communiqué au siège du ministère marocain des Affaires étrangères, marque un changement de posture significatif de Londres. Le document énonce clairement que le Royaume-Uni « considère la proposition d’autonomie soumise par le Maroc en 2007 comme la base la plus crédible, viable et pragmatique pour parvenir à une solution durable au différend » sur le Sahara. Londres s’engage à « poursuivre son action bilatérale, y compris sur les plans économique, régional et international, en accord avec cette position ».
La solennité de la signature et le choix de la forme – un texte officiel et public, et non un simple communiqué de presse – confèrent à cette reconnaissance une dimension juridique et politique inédite. Cette démarche n’est pas sans rappeler la déclaration prononcée par Emmanuel Macron devant le Parlement marocain en octobre 2024. Le Royaume-Uni y ajoute même une dimension économique en se disant prêt à « soutenir des projets au Sahara », notamment dans le cadre de l’engagement de 5 milliards de livres sterling de l’UK Export Finance pour accompagner les entreprises opérant au Maroc.
Cette prise de position intervient alors que se profilent d’importants développements diplomatiques. La perspective d’une conférence internationale restreinte, prévue pour l’été 2025 et destinée à résoudre définitivement la question saharienne, semble trouver un premier jalon concret avec la déclaration britannique. Le Royaume-Uni, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et acteur influent au sein du Commonwealth, confère ainsi une légitimité supplémentaire à la proposition marocaine, accentuant l’isolement d’Alger et la crise de légitimité du Front Polisario.
La séquence diplomatique de ces dernières semaines s’inscrit dans cette dynamique : la déclaration de l’ambassadeur marocain Omar Hilale lors du séminaire du C24 à Dili, fin mai, avait déjà réaffirmé l’initiative marocaine comme « l’unique fondement pour un règlement durable ». Cette convergence de signaux diplomatiques confirme la montée en puissance de la reconnaissance internationale de l’autonomie sous souveraineté marocaine.
Le Royaume-Uni n’est pas un soutien anodin. Sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité et son rôle central dans l’anglosphère donnent à cette reconnaissance une portée stratégique qui dépasse le seul cadre bilatéral. Le communiqué insiste sur la nécessité « urgente » de résoudre ce conflit qui n’a que trop duré, et sur la place du Maroc comme « passerelle essentielle pour le développement socio-économique de l’Afrique ».
La posture britannique s’inscrit dans un alignement plus large avec les positions américaines et françaises. En avril 2025, le secrétaire d’État américain Marco Rubio avait déjà confirmé la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine et de la pertinence du plan d’autonomie comme « seule base réaliste et crédible ». Le Royaume-Uni ajoute son poids à cette convergence occidentale, renforcée par le soutien antérieur de l’Espagne et la dynamique portée par la France.
Pour Alger, un revers diplomatique de plus
Pour l’Algérie, cette reconnaissance constitue un revers cuisant. Après avoir investi des milliards de dollars dans la cause sahraouie et dans le soutien au Front Polisario, Alger se retrouve confrontée à une succession de défaites diplomatiques. Le 30 mai, la visite infructueuse de la délégation du Polisario à Nouakchott avait déjà souligné la fermeté mauritanienne et la volonté de Nouakchott de militariser la zone de Lbriga, sans égard pour les pressions séparatistes.
L’isolement algérien devient de plus en plus manifeste. L’alignement britannique vient s’ajouter aux soutiens américain, français, espagnol, israélien et kényan. Aujourd’hui, l’Algérie ne peut plus compter que sur quelques alliés résiduels, comme l’Afrique du Sud ou certains pays d’Amérique latine. Le choc de cette évolution se fait particulièrement sentir dans les camps de Tindouf, où les jeunes générations sahraouies commencent à douter de la viabilité d’une stratégie qui, en cinquante ans, n’a produit aucun résultat concret.
La déclaration britannique confirme la recomposition des rapports de force au Maghreb. Elle consolide la position de Rabat en tant que partenaire stratégique privilégié de l’Occident, au détriment d’Alger dont le poids régional s’étiole. Dans un contexte de tensions accrues entre le Maroc et l’Algérie — frontières terrestres toujours fermées, relations diplomatiques rompues —, Londres semble avoir choisi son camp.
Cette évolution fragilise encore les perspectives de relance de l’Union du Maghreb arabe, déjà moribonde. Le clivage entre Rabat et Alger paraît désormais trop profond pour être comblé.
Cap sur la conférence internationale d’octobre 2025
La reconnaissance britannique s’inscrit dans une perspective plus large : celle de la conférence internationale de l’été 2025, dont les contours se précisent. Le Royaume-Uni, en tant que membre actif du « Groupe des amis du Sahara occidental » aux côtés des États-Unis, de la France, de la Russie et de l’Espagne, valide l’idée d’une convergence des grandes puissances autour de l’initiative marocaine. Le communiqué souligne d’ailleurs la disponibilité de Londres à « soutenir activement le processus mené par l’envoyé personnel » du secrétaire général de l’ONU et à « engager un soutien concret et bilatéral aux parties concernées ».
Cette dynamique pourrait avoir un effet domino au sein de l’Union européenne, où plusieurs États, jusque-là discrets, réévaluent leur position face à l’évolution rapide du dossier.
La déclaration de David Lammy, en ce 1er juin 2025, valide les projections selon lesquelles l’année du cinquantenaire de la Marche Verte marquerait un tournant décisif pour le règlement du différend saharien. Au-delà de l’aspect symbolique, ce soutien britannique scelle une nouvelle étape dans la reconnaissance internationale du plan d’autonomie sous souveraineté marocaine. Il traduit également un repositionnement profond des équilibres régionaux, entre un Maroc consolidant ses alliances stratégiques et une Algérie dont la stratégie de confrontation apparaît chaque jour plus vaine.
Les mois à venir s’annoncent cruciaux. Si la conférence internationale d’octobre confirme cette dynamique, l’année 2025 pourrait bien signer la fin d’un conflit vieux de cinquante ans, au bénéfice de la stabilité régionale et d’un nouveau départ pour l’intégration maghrébine.