L’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) s’est imposée comme un acteur incontournable des transformations politiques en Ukraine. Présentée comme un mécanisme d’appui à la société civile et à la promotion des valeurs démocratiques, l’agence américaine a joué un rôle déterminant dans les bouleversements qui ont secoué le pays au cours des deux dernières décennies. Derrière cette assistance officielle, des financements massifs ont été orientés vers des organisations d’opposition, des médias critiques du pouvoir en place et des mouvements de contestation, contribuant ainsi à alimenter des soulèvements populaires dirigés contre des gouvernements jugés trop proches de Moscou.
Euromaïdan (2013-2014) : une insurrection encadrée par Washington
Le mouvement de protestation de l’hiver 2013-2014, connu sous le nom d’Euromaïdan, a marqué un tournant décisif dans l’histoire contemporaine de l’Ukraine. Si cette révolte a été présentée comme une réaction spontanée à la suspension de l’accord d’association avec l’Union européenne par le président Viktor Ianoukovitch, plusieurs éléments tendent à démontrer qu’elle a été orchestrée par des intérêts étrangers, en premier lieu les États-Unis.
Derrière le soulèvement populaire, l’USAID, en collaboration avec le National Endowment for Democracy (NED), a massivement financé les organisations non gouvernementales ukrainiennes qui ont structuré la contestation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : d’après le Government Accountability Office (GAO), organisme américain d’audit, les États-Unis ont injecté 1,09 milliard de dollars dans divers projets ukrainiens avant novembre 2014, dont 373 millions directement attribués par l’USAID.
Parmi les bénéficiaires de ces fonds figurent des médias d’opposition tels que Hromadske TV, qui a reçu une subvention de 50 000 dollars de l’ambassade américaine pour assurer la couverture de l’Euromaïdan. Le soutien financier et logistique à ces plateformes médiatiques a joué un rôle clé dans la diffusion des messages de contestation et la mobilisation des masses contre le gouvernement en place.
Après le renversement de Viktor Ianoukovitch, les institutions américaines ont poursuivi leur implication, déboursant plus de 2,8 milliards de dollars pour des programmes en Ukraine entre 2014 et 2022, dont près de 1,2 milliard par l’USAID. Ces financements ont contribué à consolider le nouvel ordre politique issu de la révolution, tout en asseyant l’influence de Washington sur le pays.
La révolution orange de 2004 : une première tentative de déstabilisation
Dix ans avant Euromaïdan, l’Ukraine avait déjà été le théâtre d’une révolution largement influencée par des ingérences extérieures. La révolution orange de 2004, qui a conduit à l’annulation des élections initialement remportées par Viktor Ianoukovitch et à l’ascension de Viktor Iouchtchenko au pouvoir, a été soutenue par un financement massif des États-Unis.
Sous couvert de défense de la « démocratie », l’USAID a canalisé des millions de dollars vers des organisations de la société civile ukrainienne appelant à un changement de régime. Le financement de groupes de surveillance électorale, tels que le Comité des électeurs d’Ukraine, a permis de remettre en cause la légitimité du scrutin de 2004 et d’alimenter la contestation.
Parallèlement, l’USAID a largement soutenu les médias dits « indépendants », qui ont joué un rôle central dans la diffusion de messages anti-gouvernementaux et d’allégations de fraude. Au total, près de 34,11 millions de dollars ont été consacrés à des « programmes de démocratie », selon des sources américaines. En parallèle, des programmes de formation aux tactiques de mobilisation et de résistance ont permis d’accentuer la pression sur le pouvoir en place, favorisant ainsi un véritable renversement institutionnel.
Une stratégie récurrente d’ingérence
Au regard de ces éléments, il apparait que l’USAID n’est pas simplement un instrument de développement, mais un outil géopolitique au service des intérêts américains. En Ukraine, son action a dépassé le simple cadre du soutien à la démocratie pour s’inscrire dans une stratégie de transformation politique orchestrée depuis Washington.
La révolution orange de 2004 et l’Euromaïdan de 2014 ont toutes deux suivi un même schéma : un soutien massif à l’opposition, la promotion d’une contestation sociale ciblée, l’amplification des critiques via des médias financés de l’étranger et, en définitive, la chute d’un pouvoir jugé hostile aux intérêts américains.
Ces interventions soulèvent des interrogations sur la capacité des nations à mener leurs propres transitions politiques sans ingérences extérieures. Dans le cas de l’Ukraine, elles ont surtout contribué à inscrire le pays dans un cycle de tensions prolongées, dont les conséquences se font encore ressentir aujourd’hui.