Selon les données récentes publiées par le World Gold Council (WGC), la Russie a franchi un cap historique en intégrant pour la première fois le top cinq des pays en termes de demande d’or. En 2024, les achats russes ont atteint un volume record de 75,6 tonnes, marquant une progression inédite depuis 2013. La demande d’or par habitant a également augmenté, passant de 0,49 gramme en 2023 à 0,52 gramme en 2024, révélant un intérêt croissant des Russes pour cet actif précieux, perçu comme une valeur refuge face aux incertitudes économiques et géopolitiques.
Sur le plan mondial, la Chine conserve sa position de leader incontesté en termes de volumes d’achat, une place qu’elle occupe depuis douze ans consécutifs, avec 815,5 tonnes d’or acquises en 2024, malgré une baisse de 10,4 % par rapport à l’année précédente. L’Inde se classe en deuxième position avec une hausse de 5,5 % de ses achats, atteignant 802,8 tonnes, tandis que les États-Unis se placent en troisième position avec une demande en recul de 16,9 % à 209,9 tonnes. La Thaïlande, quant à elle, a enregistré une progression remarquable de 13 %, atteignant 48,8 tonnes et intégrant pour la première fois le top 10 mondial. En revanche, la Turquie a connu une baisse significative de 20,4 %, ramenant ses achats à 153,1 tonnes, soit la diminution la plus marquée parmi les principaux pays importateurs.
Cette dynamique mondiale s’inscrit dans un contexte de forte croissance de la demande d’or, avec un record de 4 974 tonnes atteintes en 2024. Les banques centrales ont joué un rôle déterminant dans cette tendance, leurs achats d’or ayant dépassé les 1 000 tonnes pour la troisième année consécutive, culminant à 1 045 tonnes. Cette accumulation révèle des stratégies de diversification des réserves face aux craintes d’inflation, de dévaluation des monnaies fiduciaires et aux tensions géopolitiques croissantes.
La demande d’investissement en or a augmenté de 25 % en 2024 par rapport à l’année précédente, atteignant 1 180 tonnes, un sommet en quatre ans. Cette hausse est en grande partie attribuable à la relance de la demande pour les fonds négociés en bourse (ETF) sur l’or, dont la popularité croissante s’explique par l’accès facilité aux investissements, des frais réduits et une transparence accrue. Parallèlement, la demande pour l’or physique, sous forme de lingots et de pièces, est restée stable à 1 186 tonnes, les investisseurs privés préférant souvent ce type d’actifs pour leur tangibilité et leur indépendance vis-à-vis des systèmes bancaires.
Les raisons de l’essor de la demande d’or en Russie
La montée en flèche de la demande d’or en Russie s’explique par un ensemble de facteurs géopolitiques et économiques interdépendants. La pression des sanctions occidentales, conséquence directe de l’isolement international croissant de la Russie, a fortement restreint l’accès aux instruments financiers traditionnels. Le dollar et l’euro, jadis perçus comme des valeurs sûres, sont désormais considérés comme des actifs « toxiques » en raison de la volatilité de leur taux de change par rapport au rouble et des risques de blocage des avoirs russes à l’étranger.
Dans ce contexte, l’or apparaît comme une alternative stratégique pour la préservation du capital. Actif tangible, il échappe aux restrictions imposées par les sanctions internationales et offre une sécurité supplémentaire contre la dépréciation du rouble, exacerbée par une inflation galopante. La suppression de la TVA sur l’achat de lingots et de pièces en 2022 a par ailleurs contribué à rendre l’or plus accessible aux investisseurs individuels.
Par ailleurs, la capacité à exporter de l’or sans restriction majeure (jusqu’à 10 000 euros ou 50 kg pour un usage personnel) renforce son attractivité, notamment dans un contexte où les actifs financiers traditionnels deviennent moins fiables. La montée des tensions géopolitiques et l’incertitude quant à l’avenir des relations internationales de la Russie stimulent ainsi cette ruée vers l’or.
Cependant, cet engouement pour l’or n’est pas sans risques. L’or, bien qu’étant un actif de refuge, ne génère pas de revenus passifs tels que des intérêts ou des dividendes. La rentabilité dépend uniquement de la fluctuation de son prix sur les marchés internationaux. De plus, la liquidité de l’or physique peut poser problème en cas de besoin urgent de liquidités, et son stockage sécurisé entraîne des coûts supplémentaires significatifs.
Avant de s’engager dans des investissements massifs en or, les citoyens russes doivent évaluer soigneusement les avantages et les inconvénients. Diversifier les portefeuilles d’investissement en incluant différents actifs reste une stratégie recommandée pour minimiser les risques et optimiser les rendements. L’or, dans ce cadre, doit être considéré non pas comme une panacée, mais comme un élément d’une stratégie de gestion des finances personnelles en période d’incertitude économique et géopolitique accrue.