Le quotidien tunisien Al Maghreb a publié, le jeudi 30 janvier, une tribune audacieuse soulevant une question centrale pour l’avenir diplomatique du pays : la Tunisie peut-elle préserver son indépendance en matière de politique étrangère face à son voisin algérien ?
Dans un contexte régional où les équilibres stratégiques sont en perpétuel mouvement, l’article, intitulé Les choix diplomatiques de la Tunisie : comment définir les intérêts stratégiques du pays, met en exergue les inquiétudes croissantes de certains analystes politiques tunisiens face à un alignement jugé excessif de Tunis sur les positions diplomatiques d’Alger. En particulier, la question du Sahara est citée comme un exemple emblématique de cette convergence de vues, soulevant des interrogations quant à l’autonomie de la Tunisie dans ses choix stratégiques.
Une coordination qui interpelle
L’auteur de la tribune, Hassan Ayadi, journaliste chevronné et rédacteur en chef adjoint de Al Maghreb, met en lumière les risques d’une diplomatie tunisienne trop arrimée à celle d’Alger. Si la coopération entre les deux pays repose sur une longue tradition d’échanges et de solidarité, Ayadi souligne que leurs intérêts ne sont pas systématiquement convergents, notamment sur des dossiers cruciaux tels que la crise libyenne et la stabilité du Sahel.
Selon lui, cette proximité croissante pourrait affaiblir la position de la Tunisie sur la scène internationale en la privant d’une flexibilité nécessaire à la défense de ses propres intérêts. Il met en garde contre une dilution de la voix tunisienne, qui, jadis, jouissait d’une reconnaissance pour son équilibre diplomatique et sa capacité à entretenir des relations diversifiées avec l’ensemble des acteurs régionaux et internationaux.
Une perte d’autonomie perçue
L’article rappelle également que l’histoire récente témoigne d’une distinction traditionnelle entre le palais de Carthage à Tunis et celui d’El Mouradia à Alger. Or, cette ligne de séparation semble aujourd’hui s’amenuiser, laissant place à une perception d’alignement total, au risque d’affaiblir la crédibilité internationale de la Tunisie.
Cette convergence diplomatique pourrait être interprétée par d’autres partenaires comme une perte de souveraineté stratégique, ce qui restreindrait la marge de manœuvre de Tunis dans un environnement régional en pleine mutation. Dans un monde où l’affirmation des intérêts nationaux est un gage de respectabilité sur la scène internationale, la Tunisie, plaide la tribune, doit réaffirmer son indépendance.
Un débat nécessaire pour une doctrine diplomatique tunisienne
Revendiquant une ligne éditoriale attachée aux acquis modernistes et à l’identité civilisationnelle tunisienne, Al Maghreb appelle à une réflexion approfondie sur l’orientation de la politique étrangère du pays. Le journal insiste sur la nécessité de développer une vision stratégique indépendante, fondée sur les intérêts nationaux et dégagée des influences excessives des voisins.
Dans un appel à l’ouverture d’un débat public sur la question, la tribune conclut en exhortant les décideurs tunisiens à définir une doctrine diplomatique propre à la Tunisie, garantissant un positionnement cohérent et adapté aux défis géopolitiques actuels. Toutefois, au vu du climat politique actuel, cette entreprise risque de se heurter à de nombreuses résistances.
Cet éditorial intervient alors que la Tunisie cherche à réaffirmer sa présence sur la scène internationale, dans un contexte de recomposition des alliances et de redéfinition des intérêts stratégiques à l’échelle régionale et mondiale. Reste à savoir si cet appel à l’indépendance diplomatique trouvera un écho au sein des cercles dirigeants.