La présence européenne au Sahel, jadis perçue comme un pilier stratégique de la stabilité régionale, semble s’effriter inexorablement. Dernier épisode en date, le départ en toute discrétion des derniers militaires belges encore stationnés à Niamey. Ce retrait marque une étape supplémentaire dans le désengagement progressif des puissances européennes après le départ fracassant de la France, suivi de près par l’Allemagne. Aujourd’hui, c’est au tour de la Belgique de tourner la page, révélant les profondes fractures géopolitiques et stratégiques qui redéfinissent la région.
La Belgique, qui avait suspendu officiellement sa coopération militaire avec le Niger après le coup d’État de juillet 2023, avait malgré tout maintenu sur place une équipe réduite. Chargée d’assurer la sécurité de son ambassade à Niamey, cette unité résiduelle agissait en marge d’un contexte diplomatique tendu. Pourtant, en décembre 2024, Bruxelles a discrètement rapatrié ces derniers militaires, actant ainsi la fin de sa présence militaire directe au Niger.
Loin d’un retrait fracassant ou médiatisé, cette opération s’est déroulée dans un silence presque total, tranchant avec le vacarme politique et diplomatique qui avait entouré le départ de la France, symbole de l’effondrement des alliances historiques au Sahel. La Belgique a préféré éviter tout éclat, optant pour une approche pragmatique face à un environnement politique devenu de plus en plus hostile aux puissances étrangères.
L’héritage du retrait français
Ce désengagement progressif des acteurs européens a commencé par l’expulsion de l’armée française, symbole de la présence occidentale dans la région depuis l’opération Serval en 2013. À l’époque, Paris se voulait le chef de file d’une coalition internationale unissant forces africaines et occidentales contre la menace djihadiste. Cependant, l’évolution du sentiment anti-français, exacerbé par les discours souverainistes des nouvelles juntes au pouvoir, a accéléré le départ des troupes hexagonales.
L’Allemagne, suivant les pas de la France, a également décidé de mettre fin à sa participation à la mission onusienne au Mali (MINUSMA), tout en réduisant progressivement sa présence militaire dans la région. Le départ belge, bien que plus discret, confirme la tendance générale : l’Europe plie bagage au Sahel.
Une Europe dépassée par le nouvel ordre sahelien
L’érosion de la présence européenne met en lumière l’échec de l’approche occidentale dans cette région en proie à de multiples crises. Si l’objectif initial était de lutter contre le terrorisme et de soutenir des gouvernements alliés, les coups d’État successifs et la montée des narratifs anti-occidentaux ont mis à mal ces ambitions. Les nouvelles autorités militaires au Niger, au Mali et au Burkina Faso se tournent désormais vers d’autres partenaires, notamment la Russie à travers le groupe Wagner, ainsi que vers des puissances émergentes comme la Turquie ou la Chine.
Dans ce contexte, la sortie de scène de la Belgique illustre non seulement le désintérêt croissant de certaines capitales européennes pour le Sahel, mais aussi l’impossibilité d’opérer dans une région où les anciens partenariats sont perçus comme des reliques d’une époque révolue. Les alliances se redessinent, et l’Europe, en perte de vitesse, semble être la grande perdante de ce jeu géopolitique.
Le retrait belge, bien que symbolique, marque une étape dans ce que certains analystes qualifient déjà de « fin de l’Europe au Sahel ». Ce désengagement soulève de nombreuses questions quant à la sécurité régionale et aux responsabilités des acteurs internationaux. En quittant le terrain, l’Europe laisse derrière elle un vide qui pourrait être comblé par des acteurs aux ambitions parfois contraires à celles de la communauté internationale.
Pour Bruxelles, Paris, et Berlin, le Sahel devient désormais un chapitre clos, laissant place à une redéfinition de leurs stratégies en Afrique. Mais pour le Niger, le Mali et leurs voisins, cette redistribution des cartes pourrait bien redessiner durablement les équilibres de la région. Quant à l’Europe, son retrait progressif du Sahel pourrait signer non seulement l’échec de ses ambitions militaires, mais aussi celui de sa vision stratégique pour une région qui fut jadis perçue comme un partenaire incontournable.