Dans un développement qui redessine les équilibres géostratégiques au Sahel, le maréchal Khalifa Haftar, homme fort de l’Est libyen, a officiellement octroyé à la Russie le contrôle de la base aérienne de Maaten al-Sarra. Située près des frontières stratégiques avec le Tchad et le Soudan, cette infrastructure militaire offre à Moscou une position centrale pour renforcer son influence dans la région.
Maaten al-Sarra, située au sud de la Libye, est bien plus qu’une simple infrastructure militaire. Sa localisation au carrefour de trois États — la Libye, le Tchad et le Soudan — confère à cette base une importance stratégique majeure. Dans un contexte régional marqué par les conflits armés, l’instabilité politique et la prolifération des groupes armés, cette position géographique permet à la Russie d’étendre son rayon d’action tout en consolidant ses ambitions de puissance mondiale.
La proximité de la base avec le Tchad, un acteur clé de la lutte contre le terrorisme au Sahel, ainsi qu’avec le Soudan, un pays en proie à une guerre civile prolongée, offre à Moscou une plaque tournante logistique idéale pour ses opérations. Ce contrôle s’inscrit dans une stratégie plus large visant à renforcer l’influence russe dans une région historiquement dominée par les puissances occidentales.
En élargissant son présence à travers des bases militaires comme Maaten al-Sarra, la Russie réaffirme sa volonté de jouer un rôle de premier plan en Afrique. Déjà présente à travers des alliances économiques et militaires avec plusieurs pays du continent, Moscou intensifie son influence en tirant parti de la dynamique de ses ententes avec ces pays.
La base de Maaten al-Sarra pourrait devenir un point d’appui pour les opérations du groupe Wagner, une organisation paramilitaire russe active dans plusieurs conflits africains. Ce groupe, accusé de multiples exactions, a déjà été impliqué dans des missions en Centrafrique, au Mali et au Soudan. La logistique offerte par cette base permettrait à la Russie d’accéder plus facilement à des zones clés du Sahel, tout en fournissant un soutien logistique et militaire à ses alliés locaux.
Les réactions internationales
La décision de Khalifa Haftar soulève des interrogations au sein de la communauté internationale, notamment en Europe et aux États-Unis. Ces dernières années, les puissances occidentales ont tenté de contenir l’expansion russe en Afrique, craignant une reconfiguration des équilibres géopolitiques dans des zones stratégiques comme le Sahel.
Pour les pays européens, cette démarche représente un défi supplémentaire dans une région déjà fragilisée par la lutte contre les groupes jihadistes. L’accès de la Russie à une infrastructure comme Maaten al-Sarra pourrait compliquer les opérations de stabilisation menées par des coalitions internationales, notamment dans le cadre du G5 Sahel.
Le contrôle de la base de Maaten al-Sarra marque une nouvelle étape dans la reconfiguration géopolitique du Sahel. Il illustre à la fois les failles des alliances occidentales et la capacité de la Russie à exploiter les divisions internes pour étendre son influence. Pour Moscou, cette avancée s’inscrit dans une stratégie globale visant à démontrer sa capacité à contester les hégémonies occidentales tout en renforçant sa présence sur la scène internationale.
Dans une région où s’entrelacent enjeux énergétiques, sécuritaires et politiques, la base de Maaten al-Sarra symbolise le poids croissant de la Russie dans les affaires africaines. Pour les acteurs locaux et internationaux, cette démarche pourrait redéfinir les dynamiques de pouvoir dans l’une des régions les plus instables du monde.