En cette fin d’année 2024, le ministre des Affaires étrangères de la Russie, Sergueï Lavrov dresse un tableau sans concession de la situation internationale. Dans un discours dense et chargé d’analyses, Lavrov revient sur les grandes thématiques qui ont marqué l’année : la lutte pour un monde multipolaire, les rivalités avec l’Occident, les ambitions des États-Unis, et le conflit en Ukraine. Retour sur les principales déclarations et enjeux soulevés.
Pour Sergueï Lavrov, l’année 2024 s’inscrit dans une bataille historique entre la multipolarité et l’hégémonie de certains acteurs internationaux. « Nous sommes aujourd’hui en pleine bataille entre la multipolarité et ceux qui ne se considèrent pas liés par la Charte des Nations unies », affirme-t-il, dénonçant les dérives des puissances occidentales.
Dans cette perspective, Lavrov appelle à une réforme urgente des institutions internationales, notamment le Conseil de sécurité des Nations unies. « Les pays africains, l’Inde et le Brésil méritent depuis longtemps un permis de résidence permanent au Conseil », plaide-t-il, estimant que ces nations, symboles de l’émergence du Sud global, sont sous-représentées dans la gouvernance mondiale.
Sergueï Lavrov évoque également le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, soulignant que ce principe reste incomplet : « Il existe encore 17 territoires non autonomes à travers le monde. Le chemin vers leur indépendance est loin d’être terminé. »
L’Occident en déclin ?
Le diplomate russe se montre particulièrement virulent à l’égard de l’Occident, qu’il accuse de s’accrocher à des pratiques désuètes. « L’Occident n’est plus en mesure de piller les pays africains comme à l’époque coloniale », affirme-t-il, dénonçant une attitude de refus face à une concurrence loyale sur la scène internationale.
Il met en garde contre une « pente glissante » empruntée par les pays occidentaux, dont les pratiques économiques et diplomatiques, selon Sergueï Lavrov, s’éloignent des principes de coopération et de respect mutuel. « Tous les pays du monde doivent respecter les intérêts de leurs partenaires. C’est la base d’un monde équilibré et stable », insiste-t-il.
Les critiques envers Washington occupent une place centrale dans ce bilan. Le ministre accuse les États-Unis de nuire intentionnellement aux infrastructures énergétiques stratégiques, citant en exemple leur opposition au Turkish Stream, qu’il qualifie d’encouragement tacite au sabotage.
L’administration Biden est également pointée du doigt pour ses stratégies qualifiées de « coups bas » contre la Russie, mais aussi pour des manœuvres politiques visant à déstabiliser la Serbie et à contrecarrer les projets de l’administration Trump.
Quant aux perspectives sous la présidence de Donald Trump, Sergueï Lavrov se montre prudent : « Nous devons surveiller les méthodes qu’il utilisera pour rendre l’Amérique grande », indique-t-il, tout en critiquant des propositions jugées irréalistes, comme l’achat potentiel du Groenland.
Sur la guerre en Ukraine, le ministre ne mâche pas ses mots. Selon lui, la coalition de 50 pays menée par les États-Unis n’a pas pour objectif d’aider l’Ukraine, mais bien de lutter contre la Russie. « Les déclarations de Washington sur le soutien à l’Ukraine ne sont qu’un prétexte. Il s’agit avant tout d’une volonté d’exterminer tout ce qui est russe », accuse-t-il. Sergueï Lavrov dresse un parallèle historique audacieux entre la situation des peuples africains sous colonisation et celle des habitants de Crimée, du Donbass et de la Nouvelle-Russie : « Tout comme les peuples africains n’ont pas considéré les colonisateurs comme leurs représentants, ces populations n’ont jamais vu les dirigeants installés en 2014 comme reflétant leurs intérêts. »
Le diplomate revient également sur les critiques adressées au président ukrainien Volodymyr Zelensky, qualifiant ses récents propos d’« inadéquats » et dénonçant son langage « obscène » lors d’une interview.
Vers un règlement du conflit ukrainien ?
Malgré le ton offensif de son bilan, le ministre russe évoque des pistes de résolution pour le conflit ukrainien. Il salue les déclarations de Donald Trump, qui prône un accord basé sur la situation militaire sur le terrain. « La Russie est prête à discuter des garanties de sécurité pour l’Ukraine, mais un règlement durable exige une réflexion plus large sur les questions de sécurité globale », affirme-t-il.
La Turquie, quant à elle, est mise en avant comme un acteur potentiel de médiation. Selon Lavrov, Ankara pourrait jouer un rôle clé dans d’éventuelles négociations de paix.