Du 12 au 14 janvier 2025, le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a effectué une visite officielle en Mauritanie, marquant une étape clé dans le renforcement des relations bilatérales entre Dakar et Nouakchott. Ce déplacement, à forte dimension politique, économique et géopolitique, intervient dans un contexte régional marqué par des défis sécuritaires et économiques majeurs.
L’un des dossiers centraux de cette visite est sans conteste le projet gazier transfrontalier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), exploité conjointement par les deux pays. Ce gisement, considéré comme l’un des plus prometteurs de la région, symbolise l’interdépendance énergétique entre le Sénégal et la Mauritanie. Alors que la première phase de production est prévue pour le second semestre de 2025, cette rencontre vise à harmoniser les stratégies de gestion et d’exportation du gaz, un levier crucial pour les économies des deux nations.
Pour Nouakchott comme pour Dakar, le GTA représente une opportunité historique de diversifier leurs économies respectives et d’accroître leur influence sur le marché énergétique international. Cependant, les deux pays doivent également faire face aux défis liés à la transition énergétique mondiale, aux exigences environnementales et aux tensions géopolitiques autour des ressources naturelles.
Commerce et migrations : des enjeux stratégiques
Au-delà de l’énergie, la coopération économique et commerciale entre les deux voisins a occupé une place de choix dans les échanges. Avec un commerce transfrontalier dynamique, mais souvent informel, les dirigeants cherchent à structurer et à sécuriser les échanges afin d’en maximiser les retombées. Les discussions ont porté sur la modernisation des infrastructures frontalières, la facilitation des échanges commerciaux et l’intégration économique sous-régionale.
La question migratoire, elle aussi, s’impose comme un enjeu prioritaire. Nouakchott et Dakar, situés à la croisée des routes migratoires en Afrique de l’Ouest, font face à une pression accrue liée aux flux migratoires vers l’Europe. La Mauritanie, en particulier, joue un rôle central en tant que pays de transit. Cette visite a permis d’explorer des solutions conjointes pour mieux gérer ces flux, tout en s’attaquant aux causes profondes des migrations, notamment le chômage et l’insécurité alimentaire.
Dans un Sahel en proie à une instabilité croissante, la dimension sécuritaire ne pouvait être ignorée. Les deux dirigeants ont insisté sur la nécessité de renforcer la coopération en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic transfrontalier et l’extrémisme violent. Le Sénégal et la Mauritanie, bien que relativement épargnés par les violences, partagent une frontière étendue qui nécessite une vigilance constante.
L’accent a été mis sur une collaboration renforcée entre les forces de sécurité des deux pays, ainsi que sur une meilleure coordination au sein des initiatives régionales comme le G5 Sahel. Cette dynamique s’inscrit dans une vision plus large visant à stabiliser la région tout en préservant la souveraineté des États.
Une visite au poids géopolitique
La visite d’Ousmane Sonko s’inscrit également dans un contexte géopolitique particulier. Alors que la compétition pour le contrôle des ressources africaines s’intensifie, le Sénégal et la Mauritanie cherchent à consolider leur position sur la scène internationale. Leur partenariat stratégique est perçu comme un modèle de coopération dans une région souvent marquée par des tensions bilatérales.
Ce déplacement confirme la volonté des deux pays de s’affirmer comme des acteurs majeurs dans les domaines de l’énergie, de la sécurité et du commerce en Afrique de l’Ouest. Pour Ousmane Sonko, il s’agit également de renforcer la position du Sénégal en tant que pivot diplomatique dans la sous-région, tout en s’assurant que les retombées économiques du partenariat profitent pleinement aux populations.
Si la visite a permis d’avancer sur plusieurs fronts, les défis demeurent. La mise en œuvre des accords, la stabilité politique et sociale dans les deux pays, ainsi que les aléas économiques mondiaux conditionneront le succès de cette coopération. Néanmoins, cette visite marque une étape significative dans le rapprochement entre Dakar et Nouakchott, offrant l’espoir d’un avenir plus stable et prospère pour la région.
En renforçant leurs liens, le Sénégal et la Mauritanie montrent qu’une intégration régionale pragmatique et tournée vers les résultats est possible, même dans un environnement complexe.