La décision du 4 octobre de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), annulant les accords commerciaux entre l’Union européenne et le Maroc sur les produits de la pêche et de l’agriculture en raison de leur inclusion du Sahara occidental, a suscité de vives réactions à Rabat. Cette décision intervient dans un contexte où les relations politiques entre le Maroc et plusieurs États membres de l’UE étaient pourtant en voie de consolidation.
Face à cette nouvelle donne, une analyse récente du Washington Institute for Near East Policy prévient que le Maroc pourrait intensifier son rapprochement avec deux acteurs globaux majeurs : la Russie et la Chine. Ces puissances émergentes, déjà présentes stratégiquement en Afrique, pourraient trouver dans cette situation une opportunité de renforcer leur influence au Maghreb.
Malgré l’arrêt de la CJUE, les dirigeants européens, à travers des figures telles que Ursula von der Leyen et Josep Borrell, se sont empressés de réitérer leur volonté de maintenir un partenariat étroit avec le Maroc. Ils ont déclaré conjointement que « l’UE a la ferme intention de préserver et de continuer à renforcer des relations étroites dans tous les domaines du partenariat Maroc-UE ». Cependant, cette déclaration masque mal les tensions créées par la décision judiciaire.
Selon Souhire Medini, chercheuse au Washington Institute, cette décision pourrait être perçue comme un manque de cohérence entre les engagements politiques et les obligations juridiques de l’UE. Elle souligne que « cette contradiction risque d’éroder la confiance du Maroc envers ses partenaires européens ».
La Russie et la Chine, partenaires stratégiques du Maroc
En parallèle, la Russie et la Chine poursuivent leur avancée stratégique au Maroc, en particulier dans le Sahara occidental. Moscou, via un accord de pêche renouvelé avec Rabat, renforce sa présence maritime dans cette région clé. De son côté, la Chine investit massivement dans les projets d’énergie verte, notamment l’hydrogène, avec des partenariats établis en 2023 entre Gaia Energy Company, une entreprise marocaine, et des acteurs saoudiens.
Le Maroc, en cultivant ces partenariats, bénéficie d’une diversification de ses alliances stratégiques, lui permettant de contrer toute dépendance excessive à l’égard de l’UE. Ce repositionnement géopolitique est également soutenu par les ambitions chinoises de renforcer les routes de la soie en Afrique, où le Maroc occupe une position stratégique de premier ordre.
L’analyse du Washington Institute aborde également l’impact potentiel du retour au pouvoir de Donald Trump, prévu pour consolider les investissements américains au Sahara. Toutefois, elle prévient que l’UE reste, à ce jour, le principal partenaire économique et investisseur au Maroc, limitant ainsi l’ampleur des réalignements économiques.
Pour atténuer les répercussions de la décision de la CJUE, les auteurs recommandent un processus de consultation plus inclusif avec les populations du Sahara et un engagement plus prononcé des Nations unies pour une résolution durable du conflit.
Alors que le Maroc se prépare à célébrer le cinquantenaire de la Marche verte en novembre prochain, ce contexte marque un moment charnière dans sa politique extérieure. Cette célébration historique de la souveraineté marocaine au Sahara pourrait être l’occasion de réaffirmer son positionnement sur la scène internationale.
En renforçant ses liens avec la Russie et la Chine, tout en maintenant un dialogue actif avec l’UE, le Maroc montre sa capacité à naviguer habilement entre les grandes puissances. Ce jeu d’équilibriste pourrait s’avérer crucial pour consolider son rôle en tant que pivot stratégique en Afrique et au-delà.