L’année 2024 a été caractérisée par des dynamiques géopolitiques complexes, et des défis globaux persistants. Plusieurs conflits armés sont nés pendant cette année, et d’autres se sont poursuivis sans trouver de solution. En premier lieu, on peut citer l’extension de la guerre au Moyen-Orient. Après l’attaque sans précédent du Hamas en territoire israélien le 7 Octobre 2023, Israël a entamé une offensive militaire intense contre le mouvement islamiste palestinien dans la bande de Gaza. Elle a en outre éliminé plusieurs hauts responsables, dont le chef du Hamas Ismail Haniyeh à Téhéran, et le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah. L’Iran a lancé début Octobre 2024 200 missiles vers Israël, qui en réponse a frappé des sites militaires iraniens.
La guerre s’est élargie au Liban en Septembre 2024 pour éradiquer le Hezbollah, et dans le sud du pays contre ses fiefs. Après deux mois de guerre ouverte entre Israël et le Hezbollah, un cessez-le-feu est entré en vigueur le 27 Novembre 2024 au Liban. D’après le ministre libanais de la santé, plus de 4.000 personnes ont été tuées depuis Octobre 2023. Dans la bande de Gaza, la campagne militaire israélienne de représailles a fait plus de 45.000 morts en majorité des civils. Valeur aujourd’hui, la guerre continue avec des frappes israéliennes sur Gaza qui est quasiment détruite. Ceci alors que 62 otages israéliens sont toujours retenus par le Hamas, et que le reste de la population de Gaza vit dans des conditions humanitaires catastrophiques sans logement, ni nourriture, ni médicaments.
Toujours au Moyen-Orient, un offensive éclair par une coalition rebelle menée par le Groupe islamiste Hayat Tahrir Al Sham (HTS) a été lancée le 27 Novembre 2024 et a conduit au renversement du régime du président Bachar Al Assad qui a été lâché par ses alliés iraniens et russes, et qui s’est enfui à Moscou. Parmi les symboles les plus forts de la chute du régime, figure la libération des prisonniers de la sinistre prison de Saidnaya, où furent torturés et assassinés des milliers d’opposants à la dynastie des Assad au pouvoir depuis plus de 50 ans. Le nouveau gouvernement syrien chargé de la transition a affirmé que les droits de toutes les confessions seront garantis dans le pays. Israël a profité de la situation en Syrie, en envahissant la zone tampon à la lisière de la partie du Golan annexée, et a lancé des centaines de frappes aériennes contre des sites militaires en Syrie, disant vouloir empêcher que des stocks d’armes de « tomber entre les mains de terroristes ».
Un autre fait marquant de l’année 2024 a été la réélection le 5 Novembre 2024 de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Sa victoire a été totale puisqu’il a remporté les 7 Etats les plus disputés (Swing States), et qu’il est le premier président républicain depuis 20 ans à remporter le vote populaire. Il contrôle aussi l’ensemble du Congrès ainsi que la Cour suprême. Il a été aidé dans sa campagne électorale par le milliardaire Elon Musk. Il va entrer en fonction le 20 Janvier 2025 et beaucoup se posent des questions sur son deuxième mandat.
Une autre guerre a lieu en Europe où le 24 Février 2022, le président Poutine a envahi l’Ukraine. Après une contre-offensive infructueuse en 2023, l’Ukraine a lancé à partir de l’été une attaque surprise dans la région frontalière russe de Koursk. Mais cette opération n’est pas parvenue à forcer la Russie à détourner ses troupes du Donbass à l’Est de l’Ukraine, où la pression de l’armée russe est très forte. De plus, le président Poutine a obtenu des renforts de la Corée du nord. Kiev de son côté a obtenu en Novembre 2024 l’autorisation des américains et des britanniques d’utiliser des missiles à longue portée contre le territoire russe. La Russie a riposté en frappant l’Ukraine avec son missile de dernière génération Orechnik, et a menacé à plusieurs reprises l’Occident d’utiliser l’arme nucléaire. Valeur aujourd’hui, la guerre continue avec l’intensification des frappes contre le sud de l’Ukraine. Sur le plan intérieur, après avoir obtenu un cinquième mandat, le président Poutine s’est attaqué à ses opposants notamment Alexei Navalny qui est mort en Février 2024 dans des circonstances troubles dans une prison du cercle arctique où il purgeait une longue peine pour «extrémisme ».
D’autre part, Poutine n’a pas relâché sa pression sur les opposants à la guerre, avec de multiples poursuites pour sabotage, trahison ou terrorisme.
Une parenthèse de fête a cependant calmé les esprits en 2024 avec les jeux olympiques qui se sont déroulés en France. Les exploits sportifs ont suscité liesse et engouement pour les athlètes tels que le Français Léon Marchand, l’Américaine Katie Ledecky ou le brésilien Dos Santos Araújo. Ces jeux se sont déroulés dans de bonnes conditions sans aucun incident. Cependant l’année 2024 a connu des tempêtes, des canicules, des sécheresses et des inondations meurtrières, avec notamment des records de chaleur dûs au changement climatique.
L’Afrique de son côté a connu un élan de la jeunesse, avec l’élection au Sénégal de Bassirou Diomaye Faye âgé de 44 ans, et le plus jeune président depuis l’indépendance en 1960. Au Kenya, un mouvement de protestation mené par la génération Z a contraint le président William Ruto à retirer fin Juin un impopulaire projet de budget, et à remanier son gouvernement. La mobilisation de la jeunesse a touché également le Botswana, contribuant fin Octobre à la victoire électorale de l’opposition, face au parti au pouvoir depuis l’indépendance en 1966.
Quant à l’Europe, elle a connu une montée de l’extrême droite, puisque les élections européennes du mois de Juin 2024 ont confirmé une progression des droites nationalistes et radicales en France, Allemagne, Belgique, Autriche, Pays-Bas et Italie. En Autriche, le Parlement a élu pour la première fois à sa tête une figure d’extrême droite fin Octobre 2024. En France, un front républicain constitué pour les législatives de l’été a empêché l’arrivée au pouvoir du parti d’extrême-droite le Rassemblement National, mais l’absence de majorité claire a déclenché une crise politique. En Allemagne, le parti d’extrême droite AFD (Alternative pour l’Allemagne) a remporté un scrutin régional pour la première fois en Septembre, et a réalisé des scores historiquement élevés dans deux autres. L’Angleterre et l’Irlande ont connu des émeutes anti-immigration attisées par des agitateurs d’extrême droite.
Pour ce qui est de notre pays le Maroc, l’année 2024 s’est révélée déterminante pour la diplomatie marocaine. Elle s’est caractérisée par la reconnaissance accrue de la souveraineté marocaine sur son Sahara, et de son rôle prépondérant en Afrique. Portée par une vision stratégique claire et pragmatique sous la haute autorité du Roi Mohammed VI, la diplomatie marocaine s’affirme comme un moteur de stabilité et de développement à l’échelle mondiale.
Quelle appréciation peut-on faire de ces événements de l’année 2024 ? Le conflit israélo-palestinien ne date pas du 7 Octobre 2023, mais du 14 Mai 1948, date à laquelle Israël a proclamé son indépendance sur une terre qui ne lui appartenait pas, et en utilisant la force. Cette proclamation a entrainé l’exode de 750.000 Palestiniens qui ont été chassés de leur terre. Les pays arabes n’ont pas accepté ce corps étranger, et ont mené plusieurs guerres mais sans résultat. Une lueur d’espoir est née le 9 Septembre 1993 avec les Accords d’Oslo signés le 9 Septembre 1993 entre Yasser Arafat et Yitzahak Rabin. Mais ce dernier a été assassiné le 4 Novembre 1995 par un terroriste ultranationaliste juif israélien nommé Ygal Amir. Depuis, l’espoir de paix entre Israéliens et Palestiniens s’est évanoui, et a donné naissance à des gouvernements israéliens d’extrême droite et de religieux qui prônent le « Grand Israël », à savoir l’extension d’Israël à la Cisjordanie. Or la seule solution à ce problème est la création d’un Etat palestinien viable vivant côte à côte avec Israël.
Pour ce qui est de la Syrie, on ne peut que se réjouir de la chute du régime dictatorial de Bachar Al Assad, suite à l’offensive éclair le 27 Novembre 2024 du mouvement Hayat Tahrir Al Cham (HTS) qui a conquis en quelques jours plusieurs villes et notamment Damas. Il faut espérer que le gouvernement provisoire établi par HTS puisse unifier le pays et lui rendre sa stabilité.
Quant à la réélection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, on peut craindre des mesures draconiennes contre l’immigration clandestine, et l’ignorance du changement climatique. C’est un président pro-israélien qui va accroitre le soutien à Israël, et prendre des mesures drastiques contre l’Iran. Il va tenter d’établir la paix entre la Russie et l’Ukraine, mais en détriment de cette dernière, en figeant le statut des territoires ukrainiens occupés par la Russie, et en garantissant la non-admission de l’Ukraine à l’OTAN selon certaines informations.
Un sujet qui reste préoccupant est le changement climatique qui se traduit par une multiplication des incendies, des sécheresses, des inondations, et par la hausse de la température de la terre qui a déjà dépassé le seuil de 1,5°.
Le dernier rapport du Giec souligne le besoin urgent d’une plus grande ambition et d’une action plus rapide en matière d’adaptation qu’il faut traduire par des actions concrètes.
Malgré des progrès économiques certains, l’Afrique souffre d’une instabilité politique marquée par des coups d’Etat militaires. En quatre ans, ce sont 6 pays du continent qui ont vu leurs leaders renversés. Les derniers coups d’Etat en 2024 ont touché le Niger le 26 Juillet, et le Gabon le 30 Août. La situation au Sahel est préoccupante par l’insurrection jihadiste dans la région qui déstabilise plusieurs pays. L’urgence en Afrique est de combattre le terrorisme pour l’éradiquer définitivement, et la mise en place d’institutions politiques solides pour empêcher les coups d’Etat militaire.
L’Europe a connu en Juin 2024 les élections européennes qui ont été marquées par la progression des droites nationalistes, du fait de l’immigration clandestine et des actes terroristes. C’est ainsi que la France et l’Allemagne vivent actuellement une crise politique par manque de majorité. Pour que l’Europe puisse jouer sur la scène internationale un rôle important dans l’avenir, il est nécessaire qu’elle s’unifie et s’exprime par une seule voix. Elle doit également assurer sa défense car elle ne peut pas compter éternellement sur les Etats-Unis, surtout que Donald Trump n’est pas très favorable à l’OTAN.
En conclusion, l’année 2024 a été assombrie par des guerres et des conflits armés avec une exacerbation des relations internationales. Plusieurs pays ont franchi le seuil de la morale pour défendre coûte que coûte leurs intérêts. Il faut espérer que 2025 sera meilleur que 2024.
Par Jawad KERDOUDI
Président de l’IMRI (Institut Marocain des Relations Internationales)