Face à un enjeu de taille, le Maroc s’attelle depuis plusieurs années à réduire la prédominance des transactions en espèces et à promouvoir l’inclusion financière au sein de sa population. Malgré une offre variée de solutions de paiement dématérialisées, telles que les services bancaires mobiles, les cartes de crédit et les portefeuilles électroniques, une part significative des citoyens marocains persiste à privilégier l’argent liquide pour leurs opérations quotidiennes, en particulier dans l’économie informelle. Cette tendance a des répercussions défavorables sur l’économie nationale, engendrant des phénomènes tels que l’évasion fiscale, le blanchiment de capitaux et l’exclusion financière.
Des experts mettent en lumière les raisons sous-jacentes à la réticence vis-à-vis des paiements électroniques au Maroc, attribuables à des facteurs culturels et institutionnels. Ils soulignent notamment la crainte, chez les acteurs de l’économie informelle, d’être soumis à des contrôles fiscaux en cas d’adoption de ces moyens de paiement, ainsi que le coût non négligeable des transactions pour les commerçants, qui se voient prélever une commission oscillant entre 0,6 et 0,7 pour cent par opération, un taux supérieur à celui appliqué dans les secteurs de la distribution de carburant ou des grandes surfaces commerciales, où il ne dépasse pas 0,25 pour cent.
Par ailleurs, le faible attrait des comptes d’épargne offerts par les banques, en raison de taux d’intérêt peu compétitifs, contribue à cette méfiance envers le système bancaire. Les taux servis par les institutions financières ne franchissent pas le seuil de 2,50 pour cent, tandis que l’inflation affiche des niveaux supérieurs, entraînant de facto des taux d’intérêt réels négatifs.
Pour remédier à cette situation, plusieurs mesures sont préconisées, telles que l’adoption de portefeuilles électroniques pour la distribution des aides directes du gouvernement, à l’instar du programme Tayssir ou du fonds de compensation lié à la Covid-19, afin d’encourager les bénéficiaires à se tourner vers les paiements électroniques et de renforcer leur éducation financière.
Il est également suggéré de réviser la législation bancaire pour qu’elle dépasse la simple fonction de prêt et intègre une dimension de développement, autorisant ainsi les banques à proposer une gamme plus étendue de services financiers inclusifs, incluant des produits de microfinance, d’assurance et d’épargne.
En outre, une réduction et une révision de la pression fiscale actuelle sont recommandées pour favoriser l’intégration progressive de l’économie informelle dans les comptes nationaux, une démarche bénéfique pour l’ensemble des acteurs économiques. La corrélation entre l’augmentation de la masse monétaire en circulation et les risques de blanchiment d’argent ou d’utilisation à des fins illicites pourrait être atténuée par un renforcement de l’application des lois et par l’élargissement des prérogatives de l’Unité de Traitement du Renseignement Financier (UTRF).
Enfin, il est proposé d’abolir la circulation des billets de forte valeur, tels que le populaire billet de 200 dirhams, et d’émettre de nouveaux billets en remplacement, incitant ainsi les détenteurs de sommes importantes à les déposer dans des établissements bancaires ou à les convertir en monnaie électronique.