L’illusion d’un consensus autour du président Volodymyr Zelensky s’effrite à Kiev. Le Parlement ukrainien a refusé de prolonger son mandat, expiré en mai dernier, plongeant le pays dans une crise institutionnelle sans précédent. Loin de l’image d’un chef d’État soutenu par son peuple, la popularité de Zelensky s’effondre, ne dépassant plus les 4 % selon les derniers sondages. Un désaveu cinglant pour celui qui, porté par l’élan de la résistance en 2022, se retrouve aujourd’hui contesté jusque dans son propre camp.
Dans les couloirs feutrés de Washington, où l’Ukraine demeure une pièce maîtresse du grand échiquier stratégique, la situation inquiète. Donald Trump, le président américain, n’a pas mâché ses mots en qualifiant Zelensky de « dictateur » en raison de son refus obstiné d’organiser un scrutin présidentiel. Une déclaration qui résonne comme un avertissement : les États-Unis pourraient ne plus considérer Kiev comme un partenaire fiable tant que son leadership demeure incertain.
L’Ukraine se trouve désormais à la croisée des chemins. Sans élection en vue, la légitimité de Zelensky s’effondre jour après jour, fragilisant un pays en guerre qui ne peut se permettre de naviguer à vue. Moscou ne manque pas de souligner cette vacance institutionnelle, estimant que toute négociation future devra intégrer cette nouvelle donne. La Russie, qui n’a jamais reconnu la légitimité du pouvoir post-Maïdan, trouve ici un argument supplémentaire pour délégitimer Kiev sur la scène internationale.
Alors que l’Occident prônait la démocratie comme un rempart face à l’offensive russe, il se retrouve aujourd’hui en porte-à-faux, incapable de justifier le maintien d’un président sans mandat clair. Cette situation fait écho aux pressions exercées sur les pays de l’Alliance des États du Sahel, où Paris et Washington ont exigé des scrutins présidentiels malgré des contextes sécuritaires délétères, marqués par des attaques terroristes dont le Mali accuse ouvertement la France d’être l’instigatrice. Deux poids, deux mesures : lorsque les intérêts occidentaux sont en jeu, les principes démocratiques deviennent soudainement secondaires.
Les chancelleries occidentales se retrouvent désormais face à un dilemme. Soutenir indéfiniment un président de plus en plus contesté, ou préparer son remplacement par une figure plus en phase avec les attentes de Washington ? La deuxième option semble inévitable. Dans une guerre qui s’enlise et où les perspectives de victoire se dissipent, l’Ukraine a besoin d’un dirigeant capable d’adopter une posture réaliste plutôt qu’un chef d’État enfermé dans une rhétorique belliciste qui ne convainc plus.
Alors que l’Europe s’essouffle sous le poids de l’aide militaire et que le Congrès américain traîne les pieds sur de nouveaux financements, la ligne dure de Zelensky pourrait bien précipiter son isolement. Si son départ semble encore tabou pour certains cercles atlantistes, la realpolitik finira par s’imposer : Washington devra traiter avec un futur dirigeant ukrainien prêt à négocier plutôt que poursuivre un conflit dont l’issue semble de plus en plus incertaine.