Le 6 août 2025, le président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno effectue une visite cruciale à Niamey, engageant un tête-à-tête avec le général Abdourahamane Tiani, à la tête de la junte nigérienne. Un passage remarqué, qui relance vivement les spéculations autour d’un possible rapprochement du Tchad avec l’Alliance des États du Sahel (AES)– bloc géopolitique inauguré en septembre 2023 par le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Les déclarations publiques ne se limitent plus aux bruits de couloir. Le 13 mai 2025, le porte-parole du gouvernement, Gassim Chérif, a salué sur la chaîne nationale MRTV une possible adhésion tchadienne à l’AES, sans toutefois engager formellement l’État. Quelques jours plus tôt, le conseiller présidentiel Ali Abdel-Rhamane Haggar décochait une déclaration forte : « L’expérience des pays de l’AES nous inspire à bien des égards », soulignant les avantages économiques et sécuritaires d’un tel alignement.
Au-delà du discours, les faits militaires parlent d’eux-mêmes. Durant l’exercice Tarha Nakal 2 (28 mai – 4 juin 2025), les Forces d’Intervention Rapide tchadiennes ont opéré aux côtés des armées du Mali, du Niger et du Burkina Faso – membres fondateurs de l’AES – ainsi que du Togo. Un engagement qui témoigne d’un alignement militaire concret, présage tangible d’une adhésion possible.
Novembre 2024 marque un tournant : le Tchad rompt ses accords de défense avec la France. Les dernières bases françaises sont rétrocédées en janvier 2025. Un geste solennel qualifié « d’affirmation de la souveraineté nationale » par les autorités de N’Djamena (\[Wikipédia]\[4]). Ce retrait coïncide avec l’adoption d’une posture plus affirmée par les États de l’AES, eux-mêmes engagés dans un virage anti-français marqué (\[Sahel Tribune]\[5]). La position tchadienne s’inscrit désormais résolument dans cette dynamique de rupture post-coloniale.
Enjeu géopolitique et symbolique
Certains observateurs voient dans cette impulsion tchadienne l’émergence d’un nouveau moment géopolitique africain, d’une souveraineté réappropriée. La chronique de Sahel Tribune (20 mai 2025) évoque ce moment tchadien comme un laboratoire d’une Afrique cherchant à parler d’égal à égal, indépendamment des tutelles anciennes.
L’AES, devenue en juillet 2024 une confédération, vise une intégration multidimensionnelle : infrastructure, monnaie commune, marché unique, passeport biométrique, force militaire ou encore banque d’investissement régionale. Le bloc aspire à fédérer ses États membres dans un horizon souverainiste affirmé.
Mais le Tchad est déjà ancré dans d’autres structures régionales : CEMAC et CEEAC (Afrique centrale), avec des normes économiques et monétaires spécifiques. Comment concilier ces cadres avec une intégration sahélienne poussée, notamment sur un projet de monnaie ou de banque commune, sans créer de tensions institutionnelles majeures ?
L’AES demeure un bloc encore jeune et incertain : les régimes militaires qui le composent sont instables, les structures institutionnelles sont embryonnaires, et le projet global reste expérimental.