lundi, octobre 13

Face à la révolution numérique, le continent africain se trouve à un tournant historique : persister dans la dépendance monétaire héritée de la colonisation ou saisir l’opportunité des technologies financières pour construire une souveraineté économique réelle. Alors que les grandes puissances redéfinissent leurs instruments monétaires, l’Afrique hésite encore à franchir le pas.

Aux États-Unis, la décision de Donald Trump de légaliser les cryptomonnaies a marqué un tournant dans la politique économique mondiale. Loin d’être un gadget spéculatif, la crypto est devenue, sous son administration, un levier stratégique. Elle permet d’attirer les capitaux, de financer des projets d’envergure et de consolider la souveraineté financière américaine. À travers cette ouverture, Washington a compris que la monnaie du XXIᵉ siècle ne se résumera plus à un simple instrument d’échange, mais à un outil de puissance et d’influence.

Plus au sud, Nayib Bukele, président du Salvador, a fait figure de visionnaire. En 2020, il décide d’investir près de 30 % de la trésorerie nationale dans le bitcoin, alors valorisé à environ 25 000 dollars. Une initiative jugée audacieuse, voire téméraire, par les institutions internationales. Cinq ans plus tard, les profits engrangés par ce pari servent à financer des infrastructures publiques, des hôpitaux et des écoles. Ce modèle, basé sur une prise de risque calculée, démontre qu’une monnaie numérique, si elle est maîtrisée, peut devenir un vecteur de développement et d’indépendance.

Sur le continent africain, les partisans de la cryptomonnaie demeurent minoritaires et souvent stigmatisés. Là où certains y voient un instrument d’émancipation, d’autres n’y perçoivent qu’une menace pour l’ordre établi. Cette méfiance s’explique en partie par la dépendance historique à des systèmes monétaires exogènes, notamment dans les pays francophones liés au franc CFA, indexé sur l’euro et soumis à des règles décidées hors du continent.

Ce lien structurel, hérité de l’époque coloniale, continue de freiner l’autonomie économique. Comme le rappellent de nombreux économistes africains, un pays qui ne contrôle pas sa politique monétaire demeure limité dans sa capacité à financer son développement, à réguler son inflation ou à orienter son crédit vers les secteurs productifs. Les cryptomonnaies, à l’inverse, offrent une alternative décentralisée et potentiellement souveraine, qui permettrait d’échapper à cette tutelle.

Avec 70 % de sa population âgée de moins de 30 ans, l’Afrique détient un atout démographique unique. Cette jeunesse connectée, formée, avide d’innovation, constitue le terreau idéal pour l’émergence d’une économie numérique africaine. Pourtant, les cadres réglementaires obsolètes et la méfiance institutionnelle freinent encore les initiatives.

« Tant que nos pays n’auront pas leur propre monnaie, ils resteront prisonniers d’un modèle de dépendance », affirme Émile Parfait Simb ; entrepreneur camerounais surnommé le roi des cryptomonnaies africaines. Pour lui, la crypto représente « un instrument d’émancipation, un outil de souveraineté économique et de dignité ». Son plaidoyer va au-delà de la spéculation : il s’agit de permettre aux États africains de financer leurs projets, de valoriser leurs ressources et de s’affranchir de toute tutelle extérieure.

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