lundi, octobre 13

La contestation prend des allures de séisme politique à Antananarivo. Ce samedi, la jeunesse malgache, majoritairement issue de la génération Z, a envahi la place du 13 Mai – haut lieu symbolique des insurrections populaires – pour dénoncer les coupures d’eau et d’électricité, mais surtout pour exiger une refonte des institutions jugées sclérosées et déconnectées des réalités sociales. La mobilisation, jusque-là spontanée et pacifique, a franchi un seuil décisif avec le ralliement d’une partie de l’armée, signe que la colère traverse désormais les murs du pouvoir.

Les jeunes Malgaches nés après 2000 portent une colère sourde contre un système politique qu’ils jugent verrouillé et inéquitable. Élevés dans une économie fragilisée par la corruption et les inégalités, connectés aux réseaux sociaux et à l’actualité mondiale, ils revendiquent une autre manière de gouverner : plus horizontale, plus transparente, plus juste. « Ce n’est pas seulement une révolte contre la misère, c’est une révolution culturelle », analyse un sociologue de l’université d’Antananarivo. Cette génération, nourrie de discours d’émancipation numérique et d’une conscience globale des injustices, veut rompre avec les schémas hérités des élites postcoloniales.

Ce qui n’était au départ qu’un cri de ras-le-bol contre les délestages chroniques et la pénurie d’eau s’est mué en contestation politique ouverte. Les pancartes dénonçant « les coupures du pouvoir » jouent sur les mots : c’est désormais la légitimité même du gouvernement qui est remise en cause. La place du 13 Mai, déjà théâtre de plusieurs révolutions malgaches — de 1972 à 2009 —, redevient l’épicentre d’une colère nationale. Le ralliement d’une partie de l’armée renforce l’idée d’une fracture entre le pouvoir civil et des segments de l’institution militaire sensibles au désarroi populaire.

Le parallèle n’est pas fortuit. Comme dans la France de 1789, une jeunesse éduquée mais frustrée, consciente de son potentiel, réclame un changement radical. Les slogans qui fusent évoquent la fin des privilèges, l’exigence de justice sociale et le refus d’un pouvoir perçu comme monarchique. La place du 13 Mai se transforme en agora, où s’élaborent des revendications mêlant aspirations démocratiques et désirs de rupture totale avec les anciennes structures. L’alliance inédite entre étudiants, ouvriers et militaires rappelle les prémices d’une révolution.

Le soulèvement malgache s’inscrit dans une dynamique plus large observée sur le continent africain, où la génération Z, majoritaire démographiquement, remet en cause les fondements des régimes en place. Du Nigeria au Sénégal, du Soudan à la RDC, les jeunes contestent les hiérarchies politiques, dénoncent les oligarchies vieillissantes et s’érigent en acteurs d’un nouvel ordre civique. À Madagascar, cette lame de fond trouve une expression particulièrement explosive : un pays miné par les inégalités et la pauvreté, où la jeunesse entend désormais prendre son destin en main, quitte à faire vaciller les piliers de la République.

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