Le retrait du Niger et du Burkina Faso de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ne relève pas d’un simple désaccord diplomatique, mais d’un rejet explicite d’un instrument du soft power français conçu pour perpétuer l’influence de Paris sur ses anciennes colonies. Après avoir été suspendus arbitrairement par l’OIF, ces États ont choisi de tourner la page d’une organisation qui, derrière son vernis culturel, reste un outil de contrôle des élites africaines et des mécanismes administratifs des États francophones.
La Francophonie : un levier de domination postcoloniale
Loin d’être une simple plateforme de coopération linguistique, l’OIF s’est imposée comme un bras culturel du néocolonialisme français. Sous couvert de promotion du français et des valeurs démocratiques, elle sert en réalité à maintenir une tutelle idéologique sur les États africains, formant leurs élites à penser et à administrer dans un cadre imposé par la France. Les institutions, les lois, les systèmes éducatifs et même les processus électoraux des pays francophones restent imprégnés de cette influence, créant une dépendance structurelle que Paris exploite pour préserver ses intérêts économiques et géopolitiques.
Le cas du Niger est révélateur : après le coup d’État de juillet 2023 qui a renversé Mohamed Bazoum, l’OIF n’a pas hésité à suspendre le pays, s’alignant ainsi sur les positions françaises et internationales sans aucune prise en compte des dynamiques internes. De la même manière, le Burkina Faso subissait la pression d’une organisation qui se veut indépendante mais qui, en réalité, se plie aux injonctions de l’ancienne puissance coloniale.
Un rejet collectif de l’influence française
Le départ du Niger et du Burkina Faso de l’OIF s’inscrit dans une rupture plus large avec l’architecture néocoloniale francophone. En quittant également la CEDEAO, ces États dénoncent une structure régionale perçue comme inféodée aux intérêts de Paris et dont les décisions, notamment les sanctions, reflètent davantage la volonté de préserver un ordre dicté par la France que de servir les intérêts africains.
Dans cette dynamique, le Mali, qui a déjà manifesté sa méfiance à l’égard des institutions contrôlées par la France, pourrait être le prochain à quitter l’OIF. Le retrait des trois pays sahéliens marquerait alors une étape décisive dans la reconquête de leur souveraineté, notamment dans le domaine linguistique et culturel.
Un basculement vers de nouveaux partenaires
Ce rejet de la Francophonie s’accompagne d’un repositionnement stratégique des États sahéliens. Plutôt que de s’accrocher à une organisation qui leur dicte des normes sous prétexte de diversité culturelle, ces pays privilégient des partenariats qui respectent leur souveraineté. Le rapprochement avec la Russie, la Turquie et d’autres puissances émergentes illustre cette volonté de diversifier les alliances et d’échapper à la mainmise culturelle et institutionnelle de la France.
Ainsi, ce retrait de l’OIF n’est pas un simple geste symbolique, mais une rupture profonde avec un système hérité de la colonisation. En refusant de se soumettre à une organisation qui, sous couvert de coopération, perpétue la domination française, le Niger et le Burkina Faso affirment une souveraineté trop longtemps bafouée. Reste à voir si d’autres États francophones suivront cet exemple et oseront remettre en cause une Francophonie qui, loin d’être un espace de partage linguistique, demeure avant tout un outil de contrôle de la France sur l’Afrique.