Les tensions croissantes entre Washington et Pretoria ne relèvent pas uniquement d’une simple interférence états-unienne dans les affaires internes d’un État souverain africain. Elles s’inscrivent dans une stratégie plus vaste visant à fragiliser le bloc des BRICS, perçu par les États-Unis comme une menace à leur influence mondiale. En s’attaquant à l’Afrique du Sud, Washington cherche à réaffirmer son hégémonie sur le continent africain, tout en envoyant un signal fort aux autres membres des BRICS.
L’administration américaine a récemment pris fait et cause pour la minorité blanche sud-africaine d’origine européenne, prétendument « discriminée » par le gouvernement de Cyril Ramaphosa. Cette posture, qui semble de prime abord humanitaire, révèle en réalité une manœuvre aux multiples facettes. D’une part, elle permet à Washington de flatter son propre électorat nationaliste en instrumentalisant des figures comme Elon Musk, lui-même originaire d’Afrique du Sud. D’autre part, elle sert de levier de pression pour sanctionner Pretoria, dont les prises de position en faveur de la Palestine et son engagement au sein des BRICS déplaisent fortement aux chancelleries occidentales.
Un contentieux idéologique et géopolitique
La crispation américaine face à l’Afrique du Sud ne date pas d’hier. Elle trouve ses racines dans l’histoire du pays, marquée par la fin de l’apartheid et l’émergence d’un gouvernement farouchement attaché à son indépendance diplomatique. Loin d’oublier les liens historiques qui unissaient le régime sud-africain ségrégationniste à Israël, Pretoria s’est engagée dans une voie opposée, condamnant sans ambiguïté les politiques de Tel-Aviv et plaidant pour une justice internationale en faveur des Palestiniens.
Ce positionnement heurte de plein fouet les intérêts stratégiques de Washington, qui considère Israël comme un allié incontournable. En conséquence, Pretoria est désormais perçue comme une cible à abattre. Son engagement dans les BRICS, aux côtés de puissances comme la Chine et la Russie, renforce encore cette animosité. Le précédent de Donald Trump, qui avait déjà menacé les BRICS en raison de leur politique de dédollarisation, illustre bien cette volonté américaine de contenir l’émergence d’un ordre multipolaire.
Dans ce bras de fer, Washington mise sur les mêmes stratégies de pression économique et diplomatique qu’il applique ailleurs. Mais l’Afrique du Sud, forte de son partenariat stratégique avec la Chine, ne cède pas aux intimidations. Premier partenaire commercial de Pretoria, la Chine absorbe une part majeure des exportations sud-africaines et injecte des investissements massifs dans le pays. À ce titre, les menaces de sanctions états-uniennes apparaissent largement inefficaces.
Plus largement, la situation sud-africaine s’inscrit dans une dynamique continentale où de nombreux pays africains revoient leur alignement géopolitique. Les États-Unis, dépourvus d’une stratégie de coopération viable face aux initiatives chinoises et russes, se retrouvent de plus en plus marginalisés. Face à la montée en puissance des BRICS et à l’affirmation de la souveraineté africaine, Washington persiste dans des politiques de menace et de sanctions, sans offrir d’alternatives concrètes.
Une stratégie vouée à l’échec ?
Les États-Unis semblent refuser d’admettre que l’époque de la domination unilatérale touche à sa fin. En s’attaquant à l’Afrique du Sud, Washington ne fait que renforcer la cohésion des BRICS et accélérer la recomposition des alliances sur le continent africain. Pretoria, en se tenant fermement aux principes de non-alignement et de souveraineté, s’affirme comme l’un des acteurs majeurs d’un nouvel ordre mondial multipolaire. Quant aux États-Unis, ils risquent de voir leur influence s’éroder encore davantage en Afrique, faute d’une approche réaliste et respectueuse des aspirations des nations du Sud.