La tension monte entre les États-Unis et l’Afrique du Sud suite à l’adoption d’une loi controversée sur l’expropriation des terres par le gouvernement sud-africain. Le président américain Donald Trump a réagi avec fermeté, ordonnant le gel de l’aide américaine à Pretoria, une décision qui alimente un conflit diplomatique sans précédent entre les deux nations.
Dans un décret signé vendredi, Trump a justifié cette mesure en dénonçant un « mépris choquant » pour les droits des citoyens sud-africains, accusant le gouvernement de Cyril Ramaphosa de vouloir saisir les terres des minorités ethniques afrikaners sans compensation. « Les États-Unis ne peuvent pas soutenir les violations des droits de l’homme commises par le gouvernement sud-africain ni ses actions visant à saper la politique étrangère des États-Unis », a déclaré Trump dans son décret.
Ramaphosa : « Nous ne nous laisserons pas intimider »
Face à ces accusations, le président sud-africain Cyril Ramaphosa a adopté un ton défiant lors de son discours annuel à la nation. « Ces attaques ne nous font pas peur. Nous ne nous arrêterons pas, nous sommes un peuple résilient. Nous ne sommes pas intimidés et resterons unis comme une seule nation pour défendre nos intérêts, notre souveraineté et notre démocratie constitutionnelle », a-t-il martelé devant le Parlement, en réponse aux critiques de Trump, du secrétaire d’État Marco Rubio, et de l’homme d’affaires Elon Musk.
Ramaphosa a souligné que la loi sur l’expropriation ne constitue pas un « instrument de confiscation », mais qu’elle s’inscrit dans un « processus juridique mandaté par la Constitution ». Le texte, signé le mois dernier, autorise le gouvernement à saisir des terres sans indemnité lorsqu’il est jugé « juste et équitable et dans l’intérêt public », notamment dans les cas où les terrains ne sont pas utilisés et après l’échec des négociations avec les propriétaires.
Une loi au cœur des inégalités foncières héritées de l’apartheid
Le gouvernement sud-africain justifie cette législation par la nécessité de réduire les profondes disparités en matière de propriété foncière, héritées de la colonisation et de l’apartheid. Selon un audit gouvernemental réalisé en 2017, les Sud-Africains noirs, qui représentent plus de 80 % de la population, ne possèdent que 4 % des terres agricoles privées. En revanche, les Sud-Africains blancs, environ 7 % de la population, détiennent près des trois quarts des terres.
Cette loi vise donc à réparer les injustices historiques et à favoriser un accès plus équitable à la terre. Ramaphosa et son parti, le Congrès national africain (ANC), estiment qu’il s’agit d’un pas essentiel vers la justice sociale et la réconciliation nationale.
Une opposition nationale et internationale
Cependant, la loi sur l’expropriation suscite de vives critiques, tant à l’échelle nationale qu’internationale. La Democratic Alliance (DA), principal parti d’opposition en Afrique du Sud, a dénoncé cette législation comme une menace pour les droits de propriété et un risque pour les investissements étrangers. Bien que la DA, qui compte une base de soutien importante parmi les Sud-Africains blancs, indiens et multiraciaux, ait également exprimé des réserves face aux menaces de Trump, elle rejette l’idée d’une saisie arbitraire des terres.
La communauté internationale réagit aussi avec préoccupation. Le secrétaire d’État américain Marco Rubio a annoncé son refus de participer aux prochaines discussions du G20 à Johannesburg, invoquant la législation sur l’expropriation et d’autres problèmes internes en Afrique du Sud.
Une crise diplomatique aux multiples facettes
Au-delà de la question foncière, les relations entre Washington et Pretoria sont tendues par d’autres facteurs. Trump a critiqué l’Afrique du Sud pour ses « positions agressives » envers les États-Unis et leurs alliés, notamment l’accusation portée contre Israël de génocide devant la Cour internationale de justice et le renforcement des relations avec l’Iran.
Cette escalade des tensions intervient dans un contexte de réduction générale de l’aide étrangère par l’administration Trump, qui a déjà commencé à démanteler l’Agence américaine pour le développement international (USAID). En 2023, les États-Unis avaient alloué près de 440 millions de dollars d’aide à l’Afrique du Sud, une aide aujourd’hui suspendue.
Vers une impasse diplomatique ?
Alors que la guerre verbale entre Trump et Ramaphosa s’intensifie, l’avenir des relations bilatérales semble incertain. Les États-Unis, en gelant leur aide, envoient un signal fort, mais Pretoria reste ferme sur sa position, déterminée à mener à bien sa politique de réforme foncière.
Cette crise diplomatique met en lumière les tensions croissantes entre les intérêts nationaux sud-africains et les pressions internationales. Alors que Ramaphosa prône l’unité et la résilience, la question demeure : l’Afrique du Sud parviendra-t-elle à réconcilier ses ambitions internes avec les attentes de la communauté internationale, ou ce bras de fer marquera-t-il un tournant durable dans ses relations extérieures ?