Les conflits armés qui secouent l’Afrique ne se limitent pas à des pertes humaines et matérielles immédiates. Ils induisent également des dommages économiques profonds et prolongés, hypothéquant l’avenir du continent. Une véritable hémorragie financière et sociale, évaluée à 18 milliards de dollars par an, selon les estimations avancées par le président kényan.
Moubarack Lô, ancien économiste en chef de plusieurs gouvernements sénégalais et président de l’Institut Emergence, abonde dans ce sens. Il alerte sur les multiples conséquences désastreuses engendrées par ces conflits sur le tissu économique africain. « Lorsqu’une guerre éclate, ce ne sont pas seulement les infrastructures qui s’effondrent, c’est aussi une partie du capital humain qui se désagrège. Des milliers de personnes sont contraintes à l’exode, interrompent leurs études ou délaissent leurs activités professionnelles, retardant ainsi leur contribution à la création de richesses », explique-t-il.
Un effet d’entraînement se répercute sur l’ensemble des secteurs productifs. L’agriculture, colonne vertébrale de nombreuses économies africaines, se trouve souvent paralysée par l’insécurité, privant les populations de ressources alimentaires essentielles. Le commerce subit une désorganisation profonde, freinant l’acheminement des marchandises et raréfiant les produits de première nécessité. Quant au tourisme, il s’effondre dès les premiers signes d’instabilité, privant ainsi les États de devises précieuses. Le secteur des services, moteur de la diversification économique, voit son dynamisme sapé par un climat d’incertitude et de peur.
Outre l’impact direct sur la croissance, ces crises sapent les bases du développement à long terme. « Un conflit, même résolu, laisse des séquelles qui peuvent s’étendre sur des générations », précise Moubarack Lô. Il pointe du doigt l’affaiblissement des institutions, la détérioration du climat des affaires et la difficulté d’attirer les investissements étrangers. « Les États, confrontés à ces crises récurrentes, ont tendance à remettre à plus tard leurs engagements, notamment en matière d’intégration régionale, ce qui accentue les fractures et empêche l’émergence de véritables marchés communs », déplore-t-il.
Pour briser ce cercle vicieux, l’économiste plaide pour une approche axée sur l’intégration économique et la coopération régionale. « Une Afrique unie, à travers des initiatives concertées, pourrait prévenir bon nombre de ces conflits et atténuer leur impact », affirme-t-il, insistant sur la nécessité de renforcer les mécanismes de prévention et de résolution pacifique des différends.
Face à ces défis, le continent africain se trouve à un tournant décisif. Il s’agit non seulement de juguler les conflits existants, mais aussi d’en éviter l’émergence par des politiques inclusives et une gouvernance économique renforcée. Sans cela, le coût des guerres africaines continuera d’hypothéquer l’avenir de millions de citoyens et de freiner irrémédiablement le décollage du continent.