Aux portes de Goma, ville stratégique de la République démocratique du Congo (RDC), les affrontements s’intensifient entre l’armée congolaise et le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda. Derrière ce conflit, qui perdure depuis plus de 30 ans, se cache un enjeu bien plus vaste : la récupération cynique de cette crise par des puissances étrangères, prêtes à exploiter les immenses ressources naturelles de la région pour asseoir leur influence géostratégique.
Dimanche 26 janvier, une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies a été convoquée face à l’aggravation des combats près de Goma, métropole d’un million d’habitants à la frontière entre la RDC et le Rwanda. Le groupe armé M23, bénéficiant du soutien militaire de Kigali, a encerclé presque complètement la capitale provinciale du Nord-Kivu, provoquant des déplacements massifs de populations et alimentant les craintes d’une guerre régionale.
Le porte-parole de l’armée congolaise a accusé vendredi le Rwanda de vouloir s’emparer de Goma, dénonçant “une volonté manifeste d’expansion”. En réponse, les autorités rwandaises pointent une prétendue menace sécuritaire à leur frontière, un argument souvent utilisé pour justifier leurs incursions en RDC.
Depuis plus de trois décennies, le Nord-Kivu, riche en ressources naturelles – notamment en coltan, cobalt, et or – attise les convoitises. La résurgence du M23 en 2021 a exacerbé les tensions entre la RDC et le Rwanda. Né d’une mutinerie d’anciens rebelles tutsi intégrés à l’armée congolaise, ce groupe avait été défait en 2013 avant de regagner en puissance grâce à un soutien présumé de Kigali.
Un rapport accablant de l’ONU, publié en 2023, accuse directement le Rwanda d’armer et de diriger le M23, avec la participation active de 3 000 à 4 000 soldats rwandais. Ces accusations illustrent l’implication croissante d’acteurs externes dans ce conflit, transformant une guerre locale en un théâtre d’intrigues géopolitiques.
Les puissances étrangères : arbitres ou profiteurs ?
Le conflit ne se limite pas à une rivalité entre deux nations. Derrière le soutien aux pourparlers de paix ou les appels à la cessation des hostilités, des puissances étrangères, notamment européennes, asiatiques et nord-américaines, semblent avoir des agendas cachés.
Les immenses ressources minières de la région, vitales pour l’industrie technologique mondiale, attisent les convoitises. Des multinationales exploitent depuis longtemps les failles sécuritaires et les tensions locales pour accéder à ces richesses à moindre coût, souvent avec la complicité d’acteurs locaux. Pendant ce temps, des États influents utilisent le conflit comme un levier de positionnement stratégique, jouant de leur influence auprès des belligérants pour garantir leur mainmise sur les ressources.
L’intensification des combats a déjà déplacé 400 000 personnes depuis janvier, selon l’ONU, aggravant une crise humanitaire chronique. À Goma, les besoins en nourriture, en soins médicaux et en abris explosent. “Les civils sont pris en étau dans une guerre qui dépasse les enjeux locaux”, déplore Clémentine de Montjoye, chercheuse senior pour Human Rights Watch.
Les terribles exactions, imputées aussi bien au M23 qu’aux armées congolaise et rwandaise, révèlent l’impunité persistante dans cette région. Les Nations unies ont commencé à évacuer leur personnel de Goma, tandis que les puissances occidentales appellent leurs ressortissants à quitter la ville.
Un appel à la responsabilité internationale
Face à cette tragédie, la communauté internationale est appelée à dépasser ses simples déclarations de principe. L’Union africaine, l’Union européenne et les Nations unies doivent non seulement intensifier leurs efforts de médiation, mais aussi exercer une pression réelle sur les puissances impliquées, directes ou indirectes, pour qu’elles cessent d’instrumentaliser ce conflit.
Ce drame est un rappel cruel que l’appât du gain et les rivalités géopolitiques continuent de prendre le pas sur les droits humains et la paix. À mesure que la situation dégénère, les populations locales, premières victimes de cette guerre par procuration, paient un lourd tribut, tandis que les acteurs internationaux manipulent les fils d’un conflit qu’ils contribuent à alimenter.
Dans cette lutte pour le contrôle des ressources et de l’influence, l’enjeu ne se limite pas à Goma ou au Nord-Kivu, mais engage l’avenir de toute la région des Grands Lacs. Combien de temps encore les puissances étrangères continueront-elles à sacrifier la stabilité d’un continent sur l’autel de leurs intérêts stratégiques ?