L’annonce de la fermeture, en 2025, de toutes les bases militaires étrangères au Sénégal a secoué la scène géopolitique africaine. Si la France semble particulièrement visée par cette décision, les États-Unis se positionnent différemment, soulignant que leurs intérêts militaires dans le pays ne sont pas concernés par cette évolution. Cependant, dans un contexte où la Chine et la Russie accentuent leur présence militaire et économique sur le continent africain, cette décision sénégalaise n’est pas sans conséquence pour la dynamique de sécurité régionale.
Le 31 décembre 2024, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye annonçait, dans un discours solennel, la fin de « toutes les présences militaires de pays étrangers au Sénégal » dès 2025, un acte qui s’inscrit dans la volonté de renforcer la souveraineté nationale en matière de défense et de sécurité. Ce geste est perçu comme un signal fort à l’égard des puissances occidentales, en particulier la France, dont les bases militaires avaient pour mission de lutter contre le terrorisme dans la région du Sahel. Mais ce n’est pas tout : l’objectif sous-jacent des autorités sénégalaises semble être une réorientation stratégique vis-à-vis des autres puissances mondiales, à savoir les États-Unis, la Chine et la Russie.
Face à la fermeture des bases militaires, les États-Unis ont rapidement réagi en affirmant qu’ils n’étaient pas concernés par cette décision. Le porte-parole de l’ambassade américaine à Dakar a ainsi précisé : « Il n’y a pas de base militaire américaine au Sénégal. Et il n’y en a jamais eu. » Une déclaration qui fait écho à l’absence de bases permanentes américaines sur le sol sénégalais, même si des troupes américaines sont parfois présentes dans des zones stratégiques telles que l’aéroport international Léopold Sédar Senghor, utilisé pour des opérations logistiques conjointes. Cependant, ce n’est pas une base militaire, mais une zone sous gestion sénégalaise, avec une coopération militaire bilatérale en appui.
L’accord de coopération militaire entre le Sénégal et les États-Unis, signé en 2016, permet le déploiement temporaire de troupes américaines en cas de menace terroriste ou de crise humanitaire, mais ne concerne en aucun cas la présence de bases militaires permanentes. Washington met en avant des programmes de formation de plus de 1 000 militaires sénégalais depuis 1965, dans le cadre du Programme International de Formation et d’Entraînement Militaire (IMET), considéré comme l’un des plus solides en Afrique subsaharienne.
Les autorités américaines expriment ainsi leur optimisme quant à l’avenir de leur coopération militaire avec le Sénégal, soulignant qu’elles poursuivront leurs activités conjointes, telles que les formations et exercices militaires, visant à renforcer les capacités des forces armées des deux pays pour faire face aux défis communs. Cette dynamique, bien qu’importante pour les États-Unis, se déroule dans un cadre de partenariat stratégique, loin des tensions générées par la présence militaire française ou russe.
La Chine et la Russie : Des ambitions grandissantes
Si les États-Unis se montrent relativement détachés de la fermeture des bases militaires, la Chine et la Russie, quant à elles, renforcent de plus en plus leur influence militaire et économique en Afrique. L’Afrique, riche en ressources naturelles et stratégique dans le cadre des routes commerciales mondiales, est devenue un terrain de compétition où ces puissances cherchent à renforcer leurs positions.
La Chine, par le biais de son initiative de la Nouvelle Route de la Soie, s’est imposée comme un acteur clé en Afrique, investissant massivement dans les infrastructures, mais aussi dans les domaines de la sécurité et de la défense. Des accords de coopération militaire ont été signés avec plusieurs pays africains, et la Chine dispose même de sa première base militaire à Djibouti, un point stratégique pour la surveillance des routes maritimes cruciales.
La Russie, quant à elle, a intensifié sa présence militaire, en particulier en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Moscou propose des formations militaires et des équipements à des régimes africains tout en développant des accords de défense à long terme. La montée en puissance du groupe Wagner, en particulier en République centrafricaine et au Mali, témoigne de l’approfondissement des liens militaires entre la Russie et certains États africains, où la France, accusée d’interférer dans les affaires locales, perd progressivement son influence.
Le retrait des bases étrangères, notamment françaises, du Sénégal représente une réorientation stratégique, mais elle n’illustre qu’une partie de l’évolution plus vaste des relations géopolitiques en Afrique. Face à l’essor de la Chine et de la Russie, les États-Unis, bien que maintiennent une présence militaire ponctuelle, poursuivent un dialogue pragmatique avec le Sénégal et d’autres pays africains. Les décisions africaines, comme celle du Sénégal, ne font qu’accélérer une redistribution des cartes géopolitiques sur le continent, où les États-Unis, la Chine et la Russie rivalisent pour imposer leur influence et garantir leur sécurité nationale dans un monde de plus en plus multipolaire. Dans ce contexte, le Sénégal apparaît comme un terrain de jeu stratégique où chaque puissance ajuste ses actions pour maintenir ou accroître son influence en Afrique.