« Les guerres commerciales ne font que perdre, on ne peut pas les gagner », a déclaré aux journalistes le ministre fédéral allemand des Finances, Christian Lindner, lors de la récente réunion des ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale du Groupe des Sept (G7) qui s’est tenue en Italie.
Ces remarques reflètent une opposition de plus en plus forte des dirigeants européens au protectionnisme des Etats-Unis.
De plus en plus, les décideurs politiques et analystes européens observent que les affirmations de Washington sur la « surcapacité » de la Chine dans le secteur d’énergies nouvelles ne tiennent pas compte de la réalité ni des principes économiques. Emboîter le pas à Washington en imposant des tarifs douaniers sur les véhicules électriques et d’autres produits de Chine ne ferait que nuire aux entreprises et consommateurs européens ainsi qu’à l’environnement de concurrence loyale dans le commerce mondial.
« ABSURDITE » « CATASTROPHE » « TRAGEDIE »
Depuis que le président américain Joe Biden a annoncé l’adoption des tarifs douaniers de 100% sur les véhicules électriques et d’autres produits importés de Chine plus tôt ce mois-ci, de nombreux professionnels du secteur automobile, experts et universitaires européens ont mis en garde que si l’Union européenne (UE) faisait de même, cela ne ferait que nuire aux intérêts de ses constructeurs automobiles et provoquerait une « tragédie » pour son propre secteur automobile.
« Les tarifs douaniers punitifs sont une catastrophe pour l’industrie automobile allemande », a déclaré Ferdinand Dudenhoeffer, expert allemand réputé en économie automobile et directeur du Centre de recherche automobile (CAR) à Bochum en Allemagne, mettant en garde contre l’idée d’emboîter le pas à Washington.
M. Dudenhoeffer a observé que les enquêtes anti-subventions et les tarifs douaniers punitifs de l’UE nuiraient aux intérêts des constructeurs automobiles étrangers, entraîneraient des pertes pour les constructeurs automobiles internationaux, y compris les constructeurs européens, et ralentiraient la transition électrique de l’industrie automobile européenne.
« Les hommes politiques appellent désormais à des restrictions commerciales à l’encontre des constructeurs automobiles chinois. C’est une absurdité », a déclaré le président du conseil d’administration de BMW AG, Oliver Zipse, au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Envisager des restrictions sur les véhicules électriques est une vision myope, car cela risque d’entraîner des contre-mesures des partenaires commerciaux et de réduire l’accessibilité aux matières premières essentielles pour les véhicules électriques européens, a ajouté M. Zipse.
UN CAUCHEMAR POUR LES CONSOMMATEURS
« Ce que l’UE doit éviter, ce sont les droits de douane punitifs ! Ce serait une horreur pour l’industrie automobile allemande ! Les droits de douane punitifs de l’UE engendreraient des contre-mesures du gouvernement chinois et imposeraient un lourd fardeau sur les constructeurs automobiles allemands. La Chine est de loin le marché de vente le plus important pour tous les constructeurs automobiles allemands depuis des années », a déclaré sur les réseaux sociaux Frank Schwope, analyste automobile au sein de Norddeutsche Landesbank.
« Pour de nombreux consommateurs, il est important de pouvoir acheter une voiture pour 15.000 à 20.000 euros », a indiqué M. Schwope lors d’une interview accordée à l’hebdomadaire économique allemand Wirtschaftswoche. « Une voiture électrique abordable en provenance de Chine est en quelque sorte le grand espoir des citoyens allemands. »
LE PIEGE DU PROTECTIONNISME
Il est de plus en plus clair pour davantage de décideurs politiques et d’analystes européens que l’UE devrait renforcer sa coopération avec la Chine au lieu de suivre aveuglément les politiques commerciales protectionnistes de Washington. Comme l’a déclaré le ministre britannique des Finances Jeremy Hunt lors de la réunion des ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale du G7, « il est vraiment important que le monde ne retombe pas involontairement dans le protectionnisme ».
Alberto Bradanini, ex-ambassadeur d’Italie en Chine, a appelé les hommes politiques européens à rester lucides, à augmenter leur autonomie, et à ne pas se laisser facilement influencer par les Etats-Unis.
« ‘Surcapacité’ est un mot creux. Il est bien connu que la Chine ne produit pas de biens au-delà de la capacité du marché à les absorber », a déclaré M. Bradanini, actuellement président du Centre d’études italien sur la Chine contemporaine. « Les Etats-Unis s’en servent comme prétexte pour déclencher une guerre commerciale contre la Chine, ce qui est en soi un acte de protectionnisme commercial. »
Il a souligné que la Chine et l’Europe devraient renforcer leur coopération malgré les pressions des Etats-Unis.