La Guinée-Bissau plonge chaque jour un peu plus dans une crise politique sans précédent. Alors qu’une mission conjointe de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS) tentait d’instaurer un dialogue pour l’organisation d’élections transparentes, elle a été abruptement sommée de quitter le territoire. Une expulsion qui en dit long sur les pratiques autocratiques du président Umaro Sissoco Embalo et sur l’attitude pour le moins complaisante de la CEDEAO.
Le 1er mars dernier, la mission diplomatique, qui venait de présenter sa feuille de route pour la tenue des élections présidentielles et législatives de 2025, a été contrainte de plier bagage. Selon l’Agence d’information du Burkina Faso (AIB), le président Embalo aurait personnellement formulé des menaces d’expulsion à l’encontre des émissaires. Ceux-ci avaient pourtant pour seul objectif de favoriser un consensus politique et d’assurer une transition démocratique.
Depuis la fin officielle de son mandat en février 2025, Umaro Sissoco Embalo s’accroche au pouvoir en décidant unilatéralement de prolonger son règne jusqu’au 30 novembre 2025. Une initiative anticonstitutionnelle qui a plongé le pays dans une impasse politique et suscité de vives contestations internes. Face à ce blocage, la CEDEAO et l’ONU avaient dépêché une délégation du 21 au 28 février afin de proposer une feuille de route inclusive, garantissant l’organisation d’élections crédibles.
Le mutisme complice de la CEDEAO
Si la réaction autoritaire du président Embalo ne surprend guère au vu de ses antécédents, c’est l’attitude de la CEDEAO qui interroge. L’organisation sous-régionale, prompte à sanctionner d’autres régimes jugés déviants, semble ici opter pour une politique du deux poids, deux mesures. Contrairement aux sanctions sévères infligées à d’autres pays de la région, notamment le Mali, le Niger ou le Burkina Faso, la CEDEAO demeure étonnamment silencieuse face aux dérives de Bissau.
Une attitude qui soulève des interrogations sur l’impartialité de l’organisation et sur sa capacité à jouer un rôle véritablement neutre dans la résolution des crises politiques en Afrique de l’Ouest. Embalo, lui, continue de gouverner sans légitimité populaire, réduisant au silence ses opposants et ignorant les appels à une transition démocratique.
Alors que la mission de la CEDEAO s’apprête à remettre un rapport à la présidence de la Commission, l’avenir politique de la Guinée-Bissau demeure incertain. Le rejet de la médiation et la crispation du pouvoir risquent d’attiser les tensions et d’affaiblir davantage les institutions du pays.
L’attitude d’Embalo, entre autoritarisme assumé et refus du dialogue, rappelle tristement les heures sombres d’autres régimes ouest-africains. Quant à la CEDEAO, son silence assourdissant face à cette nouvelle dérive démocratique ne peut qu’alimenter les critiques sur son manque de cohérence et d’impartialité. La Guinée-Bissau, elle, reste en suspens, en quête d’une issue à cette crise institutionnelle qui menace son avenir démocratique.