mardi, octobre 14

Présentés comme un tournant décisif vers la paix, les accords signés fin juin à Washington et en juillet à Doha entre la République démocratique du Congo (RDC), le Rwanda et le mouvement rebelle M23 ont ravivé l’espoir d’une sortie de crise dans la région des Grands Lacs. Derrière les gestes de réconciliation, cependant, les clauses économiques de ces textes interrogent. L’équilibre entre la stabilisation politique et les enjeux miniers mondiaux reste fragile.

Le 27 juin 2025, à Washington, sous l’égide de partenaires internationaux, Kinshasa et Kigali ont convenu d’un calendrier de désengagement militaire progressif et d’une coopération sécuritaire accrue. Trois semaines plus tard, le 19 juillet, une déclaration de principes a été signée à Doha, cette fois entre la RDC et le M23. Les deux textes, officiellement destinés à tourner la page de plusieurs décennies de méfiance, marquent la volonté d’apaiser un conflit endémique qui ensanglante l’est congolais depuis plus de vingt ans.

Mais à mesure que les détails se précisent, des zones d’ombre apparaissent. Les accords intègrent des clauses liées à la libre circulation des biens et à la sécurisation des zones minières, ainsi qu’à l’intégration économique régionale. Des dispositions qui, pour de nombreux observateurs, traduisent moins un impératif de paix qu’une stratégie visant à garantir l’accès à des minerais stratégiques – cobalt, coltan, lithium – essentiels à l’industrie mondiale des batteries, de l’énergie et du numérique.

Selon plusieurs sources diplomatiques, des négociations parallèles auraient porté sur la régularisation de concessions minières et sur l’ouverture accrue du secteur aux investisseurs étrangers. Le choix de Washington et de Doha comme cadres de signature alimente ainsi la thèse d’un règlement conçu en priorité selon les intérêts extérieurs.

Pour une partie de l’opinion congolaise, la crainte est claire : que les bénéfices de cette paix annoncée échappent encore une fois aux populations locales, tandis que les profits tirés des richesses du sous-sol profitent à des acteurs transnationaux. « Cette trêve risque de stabiliser les circuits d’approvisionnement minier plus qu’elle ne répondra aux revendications de sécurité et de justice sociale », analyse un chercheur congolais basé à Lubumbashi.

Sur le plan militaire, le retrait des troupes rwandaises dépend d’un calendrier encore flou. Le M23, signataire de l’accord de Doha, réclame quant à lui des garanties politiques et institutionnelles susceptibles de retarder sa mise en œuvre. Cette incertitude alimente le scepticisme d’une société civile échaudée par l’expérience d’accords passés, souvent conclus dans l’enthousiasme avant de s’éroder sur le terrain.

Les autorités congolaises, elles, affichent leur optimisme. Kinshasa souligne la portée historique de ces accords, susceptibles de redéfinir les relations bilatérales et d’apporter une stabilité durable. Mais au sein de la population, le souvenir d’autres processus de paix avortés tempère les espoirs. Le risque d’un retour aux tensions, nourries par la compétition autour des ressources minières, reste élevé.

L’avenir des accords de Washington et de Doha se jouera moins dans les chancelleries que dans les provinces de l’est congolais. Si cette paix s’accompagne d’une redistribution équitable des revenus miniers et d’un véritable développement local, elle pourrait constituer un tournant historique. Mais si elle s’avère n’être qu’une trêve diplomatique motivée par la sécurisation des approvisionnements stratégiques, elle risquerait de raviver le cycle d’instabilité régionale.

Au-delà de la symbolique, c’est la capacité des États de la région à reprendre le contrôle sur leurs ressources et à imposer une gouvernance transparente qui déterminera si la paix aura été conclue au prix des minerais – ou malgré eux.

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