Le gouvernement malien a officiellement annoncé son retrait de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), un tournant diplomatique qui s’inscrit dans la stratégie de rupture amorcée par l’Alliance des États du Sahel (AES). Ce geste, qui dépasse la seule sphère linguistique, marque une nouvelle étape dans l’émancipation politique et symbolique du Mali vis-à-vis de la France et de ses institutions.
En invoquant l’article 10 de la Charte de la Francophonie, qui permet à un État membre de se retirer de l’organisation, Bamako justifie sa décision par l’attitude jugée partiale de l’OIF depuis le début de la transition politique en 2021. Les autorités maliennes dénoncent une « application sélective des sanctions » et un manque de soutien face aux défis sécuritaires et politiques que traverse le pays. L’OIF, qui suspend régulièrement des États en situation de transition non démocratique, avait restreint la participation du Mali à ses instances après le coup d’État militaire.
Cette prise de distance n’est pas un cas isolé. Le Burkina Faso et le Niger, également dirigés par des juntes militaires et membres de l’AES, pourraient suivre cette voie, renforçant ainsi l’image d’un front commun contre les institutions considérées comme alignées sur les intérêts occidentaux.
Le retrait du Mali de l’OIF s’inscrit dans un processus plus large de désengagement des anciennes colonies vis-à-vis de la France. Depuis 2022, Bamako, Ouagadougou et Niamey ont multiplié les décisions symboliques et stratégiques pour affirmer leur souveraineté : expulsion des forces militaires françaises, fin des accords de coopération militaire, retrait de la CEDEAO, et rapprochement avec de nouveaux partenaires comme la Russie et la Chine.
L’OIF, perçue comme un vecteur de l’influence française, se retrouve ainsi rejetée par ces États qui cherchent à redéfinir leur identité diplomatique et culturelle. Ce rejet va au-delà des aspects politiques : il touche à la place du français dans l’administration et l’éducation, et pose la question du rôle des langues nationales dans la construction d’une souveraineté intégrale.
Vers un renforcement des langues nationales ?
L’un des défis majeurs pour le Mali, et plus largement pour l’AES, sera d’accélérer le développement des langues nationales dans l’administration, l’éducation et les institutions officielles. Actuellement, le français reste la langue principale des documents administratifs et juridiques, malgré la reconnaissance de plusieurs langues nationales comme le bambara, le peul ou le songhaï.
La sortie de l’OIF pourrait inciter les autorités à promouvoir ces langues pour réduire la dépendance au français. Le Burkina Faso et le Niger ont déjà amorcé des réformes linguistiques, et le Mali pourrait intensifier cette transition. Toutefois, la mise en place d’une telle politique nécessite des investissements massifs en matière d’éducation, de formation des fonctionnaires et de production de contenus dans ces langues.
Quelles conséquences pour l’OIF et l’Afrique francophone ?
Le retrait du Mali fragilise un peu plus l’OIF, déjà critiquée pour son manque d’impact sur le développement des pays membres et son rôle perçu comme politique plutôt que linguistique. Si le Burkina Faso et le Niger emboîtent le pas, l’organisation perdrait une part significative de son influence en Afrique de l’Ouest, une région clé de la francophonie.
Cette décision pourrait également inspirer d’autres États africains à repenser leur relation avec l’OIF et, plus largement, avec la France. Certains pays, comme la République démocratique du Congo ou le Tchad, observent ces évolutions avec attention, alors que les débats sur la souveraineté linguistique et culturelle prennent de l’ampleur.
Le retrait du Mali de la Francophonie est plus qu’un simple départ d’une organisation internationale : il symbolise la volonté d’un État de redéfinir ses alliances, son modèle linguistique et son indépendance politique. Ce geste s’inscrit dans une dynamique plus vaste de remise en question des structures héritées de la colonisation et de la domination française.
Si cette rupture pose de nombreux défis, notamment en matière d’administration et d’intégration régionale, elle illustre surtout une tendance irréversible : l’émergence de nouvelles stratégies souverainistes en Afrique de l’Ouest, qui redessinent le paysage diplomatique du continent.