Alors que la Côte d’Ivoire s’apprête à entrer dans une nouvelle séquence électorale, Alassane Ouattara orchestre une stratégie ambiguë vis-à-vis de Tidjane Thiam, une figure montante de la scène politique ivoirienne. À sept mois du scrutin présidentiel, le chef de l’État multiplie les signaux contradictoires : il tient officiellement à distance l’ancien banquier tout en permettant en coulisses des tentatives de rapprochement. Cette double posture alimente les spéculations et révèle un jeu politique subtil, où calculs tactiques et incertitudes électorales se mêlent.
Depuis son retour en Côte d’Ivoire, Tidjane Thiam s’impose progressivement comme une alternative crédible à Alassane Ouattara et son parti, le RHDP. Fort de son expérience internationale et d’une image de technocrate compétent, il séduit une partie de l’élite économique et attire des soutiens au sein d’une opposition fragmentée. Cette montée en puissance n’a pas échappé au président ivoirien, qui oscille entre fermeté et ouverture stratégique à l’égard de cet adversaire potentiel.
D’un côté, Ouattara affiche publiquement une posture de fermeté. Son camp rappelle que Thiam a été longtemps éloigné de la politique ivoirienne et insiste sur son absence d’ancrage local. En filigrane, l’objectif est d’affaiblir sa candidature en instillant le doute sur sa capacité à mobiliser un électorat populaire.
De l’autre, plusieurs émissaires ont été missionnés pour sonder le terrain en faveur d’un éventuel rapprochement. L’un des médiateurs n’est autre que l’ancien président français Nicolas Sarkozy, dont l’influence dans les affaires africaines reste significative. Cette initiative, qui pourrait s’apparenter à une manœuvre d’apaisement, révèle en réalité une inquiétude au sommet de l’État.
Un jeu risqué pour Ouattara
La gestion de ce dossier par Alassane Ouattara traduit une forme de dilemme politique. Officiellement, le président ivoirien n’a pas encore désigné son successeur au sein du RHDP, laissant planer le doute sur son véritable favori. Cette incertitude fragilise son camp, où plusieurs figures lorgnent sur l’investiture présidentielle. La position de Thiam dans ce jeu d’échecs est d’autant plus délicate qu’elle dépend des alliances qu’il pourrait nouer dans l’opposition, mais aussi des rapports de force internes au pouvoir.
En maintenant une posture ambivalente, Ouattara prend le risque de renforcer l’aura de Thiam en lui conférant une centralité politique qu’il n’aurait peut-être pas acquise autrement. D’autant que ce dernier bénéficie d’un soutien extérieur notable, notamment de la part de certains cercles financiers internationaux.
En parallèle, la stratégie présidentielle vise aussi à diviser les rangs de l’opposition. Si un rapprochement avec Thiam devait aboutir, cela pourrait créer des tensions au sein du PDCI, qui voit en lui un possible candidat naturel. À l’inverse, une exclusion trop brutale de la scène politique pourrait le pousser à fédérer une opposition plus virulente contre le RHDP.
Une élection sous tension
À mesure que l’échéance électorale approche, la Côte d’Ivoire entre dans une zone d’incertitude. La présidentielle s’annonce déjà sous haute tension, marquée par des jeux d’alliances mouvants et un climat politique toujours empreint de méfiance. Dans ce contexte, la stratégie d’Ouattara, consistant à souffler le chaud et le froid, pourrait s’avérer à double tranchant.
S’il parvient à maintenir le contrôle de la scène politique en empêchant une candidature forte de l’opposition, il renforcera l’assise du RHDP et prolongera son influence au-delà de son mandat. Mais si son jeu tactique échoue, il risque de voir émerger une dynamique contestataire qui pourrait compliquer la transition et raviver les tensions politiques.
Quoi qu’il en soit, la présidentielle ivoirienne de 2025 s’annonce comme une bataille où chaque camp avancera ses pions avec prudence. Et dans ce jeu d’équilibriste, Alassane Ouattara joue un poker menteur dont l’issue reste incertaine.