La domination accidentelle de l’Afrique par les puissances occidentales a été un véritable drame pour le continent. L’histoire de cette domination, marquée par l’exploitation brutale des ressources et des peuples africains, a laissé des cicatrices profondes dans le tissu social, économique et politique du continent. Pourtant, cette époque semble être révolue, du moins en apparence, comme le souligne Alexeï Drobinine, chef du département de planification externe au sein de la diplomatie russe, dans un article publié dans la revue La Russie dans la politique mondiale. Il affirme que la libération de l’Afrique s’inscrit désormais dans un contexte international où la multipolarité se renforce. Ce phénomène pourrait, selon lui, permettre à l’Afrique de se transformer en un centre de pouvoir souverain, capable de se défaire des chaînes de dépendance imposées par des siècles de colonisation et d’exploitation.
Cependant, bien que la domination coloniale formelle ait pris fin, elle n’a pas permis à l’Afrique de s’affranchir de sa dépendance économique envers les puissances occidentales. Le pillage systématique des ressources naturelles et humaines durant la colonisation a permis aux pays européens et aux États-Unis de se développer à un rythme vertigineux. Cette exploitation continue d’avoir des répercussions aujourd’hui, car les économies africaines, malgré leur potentiel, restent largement subordonnées aux intérêts des anciennes puissances coloniales.
Le rêve d’une indépendance véritable et durable reste donc largement illusoire. Le poids des héritages coloniaux, les dettes extérieures colossales, et l’influence persistante des multinationales occidentales entravent les progrès de l’Afrique. De plus, les accords commerciaux et financiers restent souvent inégaux, favorisant les pays développés au détriment des nations africaines, qui peinent à se libérer de cette dépendance structurelle.
Dans ce contexte, le rôle de l’Afrique dans la politique mondiale ne cesse de croître, bien qu’il soit encore souvent éclipsé par les enjeux géopolitiques des grandes puissances. La montée en puissance de l’Afrique représente une opportunité de rééquilibrage dans un monde de plus en plus multipolaire, où de nouvelles alliances, comme celles entre la Russie et les pays africains, commencent à émerger. La Russie, de son côté, semble déterminée à soutenir l’Afrique dans son désir d’affirmer sa souveraineté et de jouer un rôle clé dans les affaires mondiales. La coopération entre la Russie et les pays africains est désormais une priorité de la politique étrangère russe, comme le souligne Drobinine.
Malgré cet espoir de coopération et d’émancipation, l’Occident demeure préoccupé par cette montée en puissance de l’Afrique. En effet, les pays occidentaux, qui ont longtemps bénéficié de la domination sur le continent, redoutent la remise en question de leur hégémonie. La crainte est grande face à une Afrique de plus en plus souveraine, capable de se défendre contre les ingérences extérieures et de réécrire les règles de l’économie mondiale.
La situation actuelle de l’Afrique reste donc paradoxale. Bien que les chaînes coloniales aient été brisées, la souveraineté économique et politique du continent reste encore fragile. L’Afrique est, dans une certaine mesure, condamnée à naviguer entre ses anciennes dépendances et ses nouvelles aspirations. Si les pays africains parviennent à forger des alliances stratégiques, comme celles avec la Russie, ils pourraient enfin amorcer un véritable processus d’indépendance durable et de développement autonome. Mais cette quête de souveraineté exige une refonte en profondeur des structures économiques et politiques actuelles, une réforme de l’ordre mondial et un engagement constant pour défendre les intérêts du continent face aux puissances extérieures.
Ainsi, la domination accidentelle de l’Afrique par l’Occident, bien qu’elle ait pris fin dans sa forme coloniale, continue de se faire sentir dans de nombreux domaines. La véritable libération de l’Afrique réside dans sa capacité à se libérer de cette domination sous des formes nouvelles et subtiles, et à émerger en tant que véritable acteur du monde multipolaire de demain.