vendredi, novembre 22

En 2022, les banques marocaines étaient présentes en Afrique à travers 45 filiales et 4 succursales réparties dans 27 pays, couvrant toutes les régions du continent. Leur chiffre d’affaires était d’environ 180 milliards de dirhams, réparti entre Attijariwafa Bank (45%), Bank of Africa (29%) et la Banque Centrale Populaire (26%). Après la crise financière de 2008, il y eut des pertes importantes et un renforcement des régulations. Plusieurs groupes bancaires français se sont progressivement retirés du continent Africain tels que le Crédit Agricole, BPCE et BNP Paribas.

La Société Générale envisage de vendre ses parts de 57% dans Société Générale Maroc pour un montant estimé à 732,5 millions d’euros à Saham, indiquant une tendance de retrait des banques françaises accentuée depuis 2008. Saham, dirigée par Moulay Hafid Elalamy, est pressentie pour cette acquisition avec Lazard. Les experts indiquent que les banques marocaines exploitent cette opportunité pour étendre leur influence en Afrique, adoptant des stratégies proactives afin de stimuler la bancarisation et l’inclusion financière. Cette démarche témoigne de la capacité des banques marocaines à naviguer habilement dans un paysage économique et réglementaire complexe.

Face à un environnement géopolitique incertain, et dans un climat économique mondial difficile, les banques françaises s’inscrivent dans une stratégie large axée sur la rentabilité et la gestion des risques. C’est dans ce contexte mouvant, qu’en septembre 2023, lors d’une allocution aux investisseurs, Slawomir Krupa, dirigeant de la Société Générale, a illustré l’importance d’une allocation de capital plus efficace et gestion des risques améliorée. Ces éléments sont essentiels dans le processus de désengagement du continent africain. En effet, l’arbitrage entre risque et rentabilité constitue le socle de cette démarche. Depuis 2020, BNP Paribas a vendu six de ses filiales africaines.

Suite à la crise financière de 2008, les contraintes réglementaires se sont accrues, avec le renforcement des ratios de Bâle III, qui poussent les banques à privilégier des actifs de qualité et à réduire leur exposition aux secteurs jugés risqués. C’est dans cette optique que la Société Générale a annoncé en juin 2023 la vente de quatre de ses filiales (Congo, Guinée équatoriale, Mauritanie, Tchad) espérant un effet positif notable sur son ratio de solvabilité CET1, critère déterminant de la santé financière d’une banque. Société Générale anticipait un impact positif d’environ 5 points sur le ratio CET1 (un des ratios de solvabilité les plus importants). Cela témoigne d’une réorientation profonde des banques françaises, cherchant à optimiser leur structure de capital dans un environnement global très compétitif. On note une disparité entre le risque réel et le risque perçu, le continent est perçu depuis l’Europe comme un terrain exigeant en termes de capital prudentiel.

Suite à la pandémie du Covid-19 et les répercussions économiques de la guerre en Ukraine, perturbant l’ordre économique mondial. Ces évènements impondérables ont entrainé une inflation galopante et une hausse des taux d’intérêt, replaçant les risques géopolitiques au centre des préoccupations dans l’évaluation des risques globaux. Les banques françaises se sont progressivement retirées d’Afrique, anticipant ces risques globaux, en se restructurant afin d’améliorer la rentabilité en se séparant des activités jugées trop risquées et en optimisant les coûts en capital au sein des maisons mères. Cet ajustement stratégique met en lumière les défis liés à la conduite des affaires dans des environnements à haut risque.

Les banques marocaines, quant à elles, se sont positionnées en Afrique avec une réussite fulgurante, cela peut être attribué à une combinaison de facteurs stratégiques et d’évolutions structurelles au sein du système bancaire marocain. Les experts soulignent l’intégration financière accrue, la concentration du système bancaire marocain et l’avancement technologique sont considérés comme des leviers permettant aux banques marocaines d’augmenter leur part de marché. Quant aux banques françaises, elles ont opéré un repositionnement stratégique vers des marchés favorisant les produits dérivés, les profits sur arbitrages, les fonds d’investissements et les plus-values de court terme, ainsi que l’accompagnement des investissements directs étrangers vers l’Europe, les Etats-Unis et l’Asie.

Le royaume a adopté une stratégie d’expansion panafricaine réussie, à travers une internationalisation des banques marocaines, en termes de développement économique, de financement des écosystèmes entrepreneuriaux et des investissements directs à travers le continent. Les institutions bancaires marocaines se distinguent par leur capacité à anticiper les risques et leur solide assise financière. Leur engagement dans le financement de la dette publique nationale souveraine de haute qualité leur confère une position avantageuse. Quant aux banques françaises, plusieurs facteurs constituent des pierres d’achoppement quant à leur expansion en Afrique notamment la limitation du marché bancaire, le faible taux de bancarisation, la concurrence du mobile money, l’absence relative de marchés financiers et la prédominance de l’économie informelle.

Contrairement aux banques françaises, les banques marocaines adoptent une approche offensive en termes de pénétration et d’implantation, traditionnellement les banques européennes se sont concentrées sur la gestion des comptes des grandes entreprises internationales, laissant de côté un large marché potentiel. Alors que les banques marocaines ont adopté une stratégie dite de « colliers de perles » visant à attirer une clientèle variée y compris dans les segments les moins rentables. En stimulant la bancarisation à travers le continent, et favorisant ainsi l’émergence d’une nouvelle classe sociale africaine dotée d’une inclination croissante à l’endettement. Cela regroupe les produits financiers tels que les crédits immobiliers et à la consommation, témoignant d’une stratégie ambitieuse de transformer le paysage économique africain et ainsi promouvoir l’inclusion financière.

La présence en Afrique des banques françaises fond comme neige au soleil, la banque Crédit agricole a été la première institution française à se séparer de ses filiales en Afrique de l’Ouest. Le groupe mutualiste BPCE (Banque populaire, Caisse d’Epargne, Natixis) a été la deuxième institution bancaire en 2018, cédant la quasi-totalité de ses filiales africaines. BNP Paribas suit le mouvement en cédant de nombreuses participations sur le continent (Gabon, Mali, Comores, Côte d’ivoire, Sénégal…)

L’arbitrage risque-rentabilité fut la véritable motivation de rétractation des banques françaises en Afrique dans un contexte économique dégradé et géopolitique tendu. Lors des vingt dernière années, l’Afrique avait un trend de croissance dynamique et une classe moyenne émergeait progressivement. Cependant la pandémie du Covid et la montée des taux d’intérêts ont fortement impacté le continent africain. Selon les experts, le risque géopolitique est redevenu un facteur prépondérant dans l’analyse globale des risques. Dans certains de ces pays d’Afrique, il demeure plus élevé que sur d’autres marchés. Il faut répondre à des soucis de rentabilité, en cédant les franchises les plus risquées au niveau de la rentabilité pour réduire les coûts en capital au niveau de la maison mère, soumise à la supervision de la Banque centrale européenne (BCE). Les banques marocaines ont profité de ces cessions de filiales pour bien se positionner et poursuivre leur implantation sur le continent. Privilégiant une coopération vers le Sud plutôt que vers l’Union européenne. Achetant à un bon prix, les banques locales en Afrique sont prêtes à saisir un portefeuille clients de qualité au moment où, elles-mêmes en pleine expansion, cherchent à gagner de nouveaux marchés.

Les banques marocaines ont rapidement identifié le vide lucratif laissé par le désengagement des banques françaises et ont intensifié leurs efforts pour étendre leur présence en Afrique. Attijariwafa Bank, Bank of Africa et la BCP contrôlent désormais environ 22% du marché de l’UEMOA, soit plus du double de leur part de marché en 2007. En Afrique, les groupes bancaires marocains sont présents à travers 45 filiales et 4 succursales répartis au niveau de 10 pays en Afrique de l’Ouest (dont 8 dans la zone UEMOA), 6 pays en Afrique centrale, 6 pays en Afrique de l’Est, 3 pays en Afrique du Nord et 2 pays en Afrique australe. On peut en conclure que les banques marocaines dominent désormais le marché bancaire ouest-africain.

Les chiffres du rapport de la commission bancaire de l’UEMOA pour l’année 2022 sont évidents : les banques marocaines dominent à présent le marché bancaire ouest-africain. En détail, le rapport indique que sur les 25 principaux établissements bancaires présents dans la région de l’UEMOA, 20,2% de la part de marché, 22% des dépôts, 21% des crédits octroyés à la clientèle et 24,6% du résultat net global sont concentrés entre les mains des institutions bancaires marocaines. Ils représentent également 27,3% des implantations, 22,9% des GAB, 28,1% des comptes bancaires et 22,7% des effectifs, démontrant ainsi leur influence grandissante dans la région. Atouts des banques marocaines sont leur proximités géographique et culturelle avec l’Afrique. L’expertise des banques marocaines dans la gestion des flux financiers internationaux et dans la fourniture de services bancaires adaptés aux besoins locaux constitue un avantage concurrentiels indéniable. Ajoutons à cela une autre opportunité unique au marché africain : la faible pénétration bancaire du continent, avec un taux de bancarisation d’a peine plus de 15%. Les banques marocaines ont capitalisé sur leur expérience sur le marché national avec un taux de bancarisation avoisinant les 53% en 2022.

Les filiales africaines des institutions bancaires marocaines ont contribué de manière importante aux bénéfices nets, avec près de 27% pour la Banque Populaire, 38,9% pour Attijariwafa bank et 46% pour Bank of Africa en 2022. En totalité, les profits réalisés en dehors du Maroc par les trois groupes bancaires, ont observé une amélioration significative de 37,4% à 4,5 milliards de dirhams à fin 2022. Leur contribution au résultat net part du groupe (RNPG) s’est aussi renforcée de 4 points à 41%, selon le dernier rapport sur la supervision bancaire de Bank Al-Maghrib. Les filiales africaines constituent désormais un pilier essentiel des résultats nets des groupes bancaires, avec une part croissante dans le total du bilan et du produit net bancaire.

Le retrait des banques françaises en Afrique annonce la fin de la prééminence française en Afrique et inaugure une nouvelle ère où les banques marocaines s’affirment comme une nouvelle force régionale voire continentale. Les banques marocaines sont dotées d’une profonde connaissance des marchés locaux et possèdent une agilité face aux défis du continent, ces institutions bancaires sont très bien placées pour accompagner la croissance économique de l’Afrique dans l’avenir.

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