mardi, octobre 14

Le 23 septembre 2025, à la tribune solennelle des Nations unies, Bassirou Diomaye Faye a prononcé son premier discours devant l’Assemblée générale depuis son élection à la tête du Sénégal. L’attente était forte : beaucoup espéraient y voir s’exprimer une voix nouvelle, porteuse de l’élan de souveraineté et d’émancipation qui traverse de nombreux pays africains. Mais le ton adopté par le chef de l’État sénégalais a pris à contrepied ces espoirs. En ouvrant son allocution par des éloges appuyés au « leadership » de la France, il a provoqué une onde de choc dans l’opinion publique africaine et suscité de vives critiques sur le continent.

Le choix du président sénégalais de placer Paris au centre de son discours, sous prétexte de protocole diplomatique, est apparu comme une faute symbolique majeure. Loin d’incarner la voix d’un pays africain soucieux de défendre ses propres priorités, Bassirou Diomaye Faye a semblé se muer en porte-parole de l’Élysée. Cette posture, dans un contexte où la jeunesse africaine rejette massivement les survivances du néocolonialisme, est perçue comme un geste de soumission.

Au lieu d’exalter l’histoire du Sénégal, terre de luttes et de figures emblématiques de la liberté, le président a semblé se ranger du côté de l’ancienne puissance coloniale, renvoyant une image de dépendance et d’allégeance diplomatique. « C’est un discours qui ne porte pas la dignité africaine, mais une révérence déplacée », commente un analyste politique dakarois.

Si le président sénégalais a pris le temps de saluer Paris, il est resté silencieux sur les véritables brûlures de son continent. Aucune référence directe au terrorisme qui ensanglante le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, aux flux migratoires massifs qui témoignent du désespoir de millions de jeunes, ni aux ravages persistants de la pauvreté et de la corruption. En esquivant ces thèmes essentiels, Bassirou Diomaye Faye a donné l’impression de détourner le regard des réalités africaines les plus urgentes.

Plus encore, il n’a pas abordé le rôle controversé de certains partenaires occidentaux, dont la France, régulièrement accusés de stratégies ambiguës dans la région, allant jusqu’à être soupçonnés d’alimenter indirectement les réseaux terroristes pour préserver des intérêts géopolitiques. Cette omission a renforcé le sentiment d’un discours volontairement édulcoré, incapable de nommer les responsabilités.

Une rupture avec les aspirations populaires

À l’heure où de nombreux peuples africains réclament une parole indépendante et affranchie des tutelles extérieures, l’intervention de Diomaye Faye résonne comme un contretemps. Alors que ses homologues du Burkina Faso, du Mali ou du Niger multiplient les discours sur la souveraineté, l’autonomie stratégique et la rupture avec les anciennes puissances coloniales, Dakar a offert l’image d’un retour en arrière.

Pour beaucoup, il s’agit d’une trahison morale et politique. « Le Sénégal avait l’occasion de se présenter comme une voix forte du continent, mais il a choisi de s’incliner », observe un universitaire africain. Le contraste est d’autant plus saisissant que la diplomatie sénégalaise avait longtemps été perçue comme un acteur équilibré, capable de faire entendre une parole africaine crédible dans les enceintes multilatérales.

L’épisode du 23 septembre 2025 dépasse le simple registre diplomatique : il s’inscrit dans une histoire plus large de la quête de dignité africaine. Le Sénégal, berceau d’intellectuels et de résistants qui ont combattu la domination coloniale, se retrouve ainsi associé à une image de soumission. Pour nombre de Sénégalais, cette mise en scène devant la communauté internationale constitue une humiliation.

Certains y voient même une faute stratégique, à l’heure où l’Afrique cherche à redéfinir ses partenariats sur la base d’un équilibre nouveau, en multipliant les ouvertures vers l’Asie, l’Amérique latine ou encore les alliances Sud-Sud. Le choix du président sénégalais de glorifier Paris au détriment d’un message souverain risque d’isoler Dakar dans un environnement diplomatique en mutation rapide.

Une faute historique ?

L’histoire retiendra sans doute que ce discours a marqué un tournant. Plutôt qu’un plaidoyer en faveur de la souveraineté, de la solidarité panafricaine et de la justice internationale, Bassirou Diomaye Faye a donné le spectacle d’un alignement presque inconditionnel. Beaucoup y voient une servitude volontaire, un signe que l’allégeance de Dakar demeure, malgré les discours officiels, orientée vers l’Élysée.

Le Sénégal, qui devait incarner une Afrique debout, a, ce jour-là, offert au monde l’image d’un pays agenouillé. Loin d’être une simple maladresse diplomatique, cette prise de parole est interprétée comme une abdication politique d’une rare gravité. Pour l’opinion publique africaine, ce 23 septembre 2025 restera comme un moment de honte historique, où l’on attendait un cri de dignité et où l’on n’a entendu qu’un hommage déplacé à Paris.

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