L’audit des finances publiques du Sénégal, publié le 12 février 2025, a provoqué un véritable séisme politique et économique. Ce rapport accablant met en lumière des détournements massifs de fonds, des maquillages comptables à grande échelle et une gestion financière désastreuse sous le régime de Macky Sall. Mais au-delà des responsabilités internes, une question cruciale s’impose : comment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont-ils pu fermer les yeux sur ces irrégularités pendant des années ? Par naïveté, par incompétence ou par une complaisance coupable ?

Pendant des années, les autorités sénégalaises, sous Macky Sall, ont proclamé à qui voulait l’entendre que leur gestion des finances publiques était “saine”, adoubée par les grandes institutions financières internationales. Le FMI et la Banque mondiale, censés être les garants d’une rigueur budgétaire, ont pourtant validé des chiffres manifestement falsifiés. Il est légitime de se demander comment ces organisations, qui disposent de bureaux permanents à Dakar et travaillent étroitement avec les ministères des Finances et de l’Économie, ont pu être “trompées” aussi longtemps.

Le scandale met en évidence une faille béante : ces institutions, qui exigent des audits rigoureux et des réformes douloureuses aux pays en développement sous prétexte d’assainissement budgétaire, semblent adopter une attitude bien plus souple lorsque l’administration en place leur est favorable. Le régime de Macky Sall a pu leur présenter des chiffres enjolivés, faisant croire à une stabilité financière illusoire, sans que cela ne suscite la moindre alerte. Comment expliquer un tel laxisme ? À moins qu’il ne s’agisse d’une véritable complicité ?

Un pillage d’État couvert par des artifices comptables

L’audit révèle un détournement systématique des finances publiques, avec des disparitions de fonds s’élevant à des dizaines de milliards de francs CFA. Des sommes colossales se sont évaporées, sans la moindre traçabilité. Le déficit budgétaire, officiellement annoncé à 4,9 %, se situerait en réalité à 12,3 %, un gouffre financier dissimulé par des manipulations comptables grossières. Quant à la dette publique, prétendument contenue à 74 % du PIB, elle avoisinerait en réalité 100 %, plongeant le pays dans une crise financière abyssale.

Face à ces révélations, il est impossible de croire que les experts du FMI et de la Banque mondiale, qui scrutent habituellement les comptes des pays sous assistance financière avec une rigueur quasi inquisitoriale, n’aient rien vu venir. Leur indulgence interroge : ont-ils volontairement fermé les yeux pour ne pas fragiliser un régime qui leur convenait politiquement ? Ont-ils accepté d’être les complices silencieux d’un carnage financier dont les Sénégalais payent aujourd’hui le prix fort ?

Les révélations du rapport confirment les alertes lancées dès 2024 par les nouvelles autorités. Le 26 septembre, Ousmane Sonko, alors Premier ministre, dénonçait déjà un “mensonge d’État” sur la situation économique du Sénégal. Bassirou Diomaye Faye, devenu président, avait lui aussi mis en garde contre un naufrage budgétaire bien plus grave que ce que l’ancien régime voulait bien admettre.

À l’époque, ces avertissements avaient été balayés d’un revers de main par les partisans de Macky Sall, soutenus par certains médias complaisants. Aujourd’hui, la Cour des comptes vient de clouer le bec aux derniers défenseurs de cette gestion calamiteuse. Les chiffres truqués du régime sont exposés au grand jour, et ils révèlent une tromperie d’une ampleur inédite.

Le FMI et la Banque mondiale : une inutilité patente pour les pays en développement

Ce scandale illustre, une fois de plus, l’inutilité, voire la toxicité, du FMI et de la Banque mondiale pour les économies en développement. Plutôt que d’aider réellement ces pays à assainir leurs finances, ces institutions semblent surtout servir d’outils politiques, capables de tolérer des manipulations comptables lorsqu’elles émanent de régimes dociles.

Combien de fois a-t-on vu ces mêmes institutions imposer des ajustements structurels brutaux à des pays endettés, exigeant des coupes budgétaires drastiques, des privatisations à marche forcée et des réformes antisociales sous prétexte de “rigueur économique” ? Mais lorsque des milliards disparaissent sous un régime ami, leur vigilance s’évapore comme par enchantement.

En validant des données mensongères, le FMI et la Banque mondiale ont non seulement permis la perpétuation d’un pillage d’État, mais ils ont aussi contribué à précipiter le Sénégal dans une crise financière dont il aura du mal à se relever. Ce énième scandale prouve, s’il en était encore besoin, que ces institutions ne sont jamais les alliées des peuples, mais bien les instruments d’une politique économique biaisée, où la complaisance envers certains dirigeants prime sur la transparence et la rigueur.

Face à cette débâcle, la question d’une réforme en profondeur du système financier international se pose avec acuité. Peut-on encore confier la surveillance économique des États à des institutions qui ont prouvé leur partialité et leur incapacité à anticiper les crises ? Le cas du Sénégal n’est pas isolé : combien d’autres pays en développement ont vu leurs finances détruites sous le regard bienveillant du FMI et de la Banque mondiale ?

Alors que la nouvelle administration tente de redresser une situation catastrophique, le peuple sénégalais, lui, mesure l’ampleur du désastre. Il devra, une fois encore, payer le prix des errements d’un régime qui a trahi sa confiance, sous l’œil complice de ceux qui prétendaient garantir la stabilité économique du pays.

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