Les pays africains peuvent renforcer leur position dans les chaînes d’approvisionnement en minerais critiques en travaillant avec les grands groupes technologiques et les données satellitaires, et en créant des environnements d’investissement attractifs, selon l’Atlantic Council.
Les pays africains pourraient renforcer leur positionnement dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en minerais critiques en accélérant l’exploration soutenue par la technologie, en créant des environnements d’investissement attractifs et en diversifiant leurs partenaires internationaux pour garantir les transferts de compétences et de connaissances, selon un rapport publié le 1er juillet 2024 par le think tank américain Atlantic Council.
Intitulé « From greenfield projects to green supply chains : Critical minerals in Africa as an investment challenge », le rapport rappelle que l’Afrique est au cœur de la transition énergétique mondiale, grâce à ses abondantes ressources minières nécessaires à une économie à faibles émissions de carbone.
Le continent possède environ 30 % des réserves mondiales de minerais, dont beaucoup sont essentielles à la fabrication de batteries électriques, de panneaux solaires, d’éoliennes et d’autres technologies de l’énergie propre.
Le continent possède environ 30 % des réserves mondiales de minerais, dont beaucoup sont essentielles à la fabrication de batteries électriques, de panneaux solaires, d’éoliennes et d’autres technologies de l’énergie propre.
Des études suggèrent qu’il détient des parts très importantes des réserves mondiales de plus d’une dizaine de minerais nécessaires à la transition énergétique tels que les métaux du groupe de platine (92%), le cobalt (56%), le manganèse (48%), l’yttrium (42%), le chrome (36%), la bauxite (22%), le graphite (22%) et l’étain (20%).
La demande mondiale de ces matières premières devrait plus que doubler d’ici 2030. Selon la Banque mondiale, la production de graphite, de lithium et de cobalt doit atteindre à 3,1 milliards de tonnes d’ici à 2050 afin d’atteindre l’objectif de la limitation du réchauffement de la planète à moins de 2 °C, ce qui représente une augmentation de plus de 450% par rapport aux niveaux de 2019.
Le rapport indique cependant que l’Afrique risque de ne pas profiter pleinement de la richesse de son sous-sol en minerais critiques et de perdre des opportunités d’investissement historiques. Alors que, selon l’Agence internationale de l’énergie, entre 180 et 220 milliards de dollars devraient être investis dans l’exploitation des minerais critiques de 2022 à 2030, l’Afrique ne devrait capter qu’environ 10 % de ces investissements, soit 18 à 22 milliards de dollars. Cette proportion est très en deçà du potentiel du continent.
Faibles capacités de raffinage
La faiblesse des investissements attendus sur le continent s’explique essentiellement par la perception du risque politique, la faiblesse de l’environnement institutionnel et législatif et le déficit en d’infrastructures.
Bien que les investissements dans les infrastructures aient augmenté au cours des dernières décennies, un important déficit de financement persiste. La Banque africaine de développement (BAD) estime que les besoins annuels dans ce domaine se situent entre 130 et 170 milliards de dollars. Malgré de nombreuses initiatives visant à combler ce fossé, le taux d’échec des projets demeure élevé : environ 80% des projets d’infrastructures s’arrêtent au stade de la planification et de l’étude de faisabilité, en raison de problèmes politiques, réglementaires, financiers et opérationnels qui poussent les investisseurs à privilégier des projets situés dans d’autres régions du monde.
Malgré de nombreuses initiatives visant à combler ce fossé, le taux d’échec des projets demeure élevé : environ 80% des projets d’infrastructures s’arrêtent au stade de la planification et de l’étude de faisabilité.
Le fait que les opportunités d’investissement dans l’exploitation des minerais critiques existantes en Afrique soient en grande partie des investissements sur site vierge (greenfield investment) présente ainsi un niveau de complexité supplémentaire qui décourage les investisseurs, et les pousse vers des centres de production minière bien établis telles que l’Australie, le Canada, le Chili et l’Indonésie.
Le rapport fait remarquer d’autre part que les pays africains se concentrent actuellement sur l’extraction et l’exportation des minerais bruts, ce qui leur procure une faible valeur ajoutée et limite leur pouvoir de négociation sur le marché mondial. Alors qu’elle ne produit que très peu de minerais critiques, la Chine concentre 85% de la capacité de traitement et 60% de la production mondiale. A contrario, la Zambie ne raffine que 1,3 % de sa production minière. La RDC ne raffine, quant à elle, qu’environ 7 % du cuivre qu’elle produit sur son territoire.
L’accroissement de la capacité de raffinage locale et le lancement de la production de batteries électriques que plusieurs pays du continent mettent en avant ces dernières années risquent cependant d’être très compliqués, en raison notamment du manque de fiabilité de l’approvisionnement énergétique et du déficit des infrastructures.
S’ouvrir à des nouveaux partenaires
Pour capter une grande partie des flux de capitaux mondiaux à la recherche d’opportunités dans le secteur des minerais stratégiques et jouer un rôle plus important dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, les pays africains devraient revoir rapidement leurs politiques de développement du secteur minier et adopter de nouvelles approches en matière de partenariats. Ils gagneraient d’abord à rechercher des partenariats pour accélérer l’exploration soutenue par la technologie, en vue de combler les lacunes en matière de disponibilité des données géologiques qui empêchent une promotion efficace des investissements. Cette recherche devrait aller au-delà des acteurs bilatéraux traditionnels du secteur tels que l’Institut américain d’études géologiques (USGS) et les grandes compagnies minières, pour inclure les grands groupes technologiques ayant un accès aux données satellitaires et aux capacités de big data tels que Google, Amazon, SpaceX et une myriade de start-ups spécialisées dans l’intelligence artificielle (IA), les grands modèles de langage (LLM), les données satellitaires et les équipements de surveillance par drone.
Cette recherche devrait inclure les grands groupes technologiques ayant un accès aux données satellitaires et aux capacités de big data tels que Google, Amazon, SpaceX et une myriade de start-ups spécialisées.
Les pays africains producteurs de minerais critiques devraient également diversifier leurs partenaires internationaux, en s’ouvrant davantage aux pays européens, aux Etats-Unis, au Japon et à la Corée du Sud, et investir directement dans des usines de traitement des minerais dans ces pays développés pour garantir les transferts de compétences et de connaissances dans la perspective d’une montée progressive dans la chaîne de valeur.
Et last but not least, les gouvernements africains sont plus que jamais appelés à créer des environnements d’investissement attractifs, fondés sur des institutions solides qui garantissent la participation de toutes les parties prenantes, tout en accordant une attention particulière aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).