vendredi, novembre 22

Le rapport « Perspectives économiques en Afrique 2024 » de la BAD, qui dresse un état des lieux des économies africaines, fournit également un appel à l’action pour que les pays africains et la communauté internationale repensent leur approche envers le développement du continent. Selon la BAD, pour que l’Afrique puisse réaliser pleinement son potentiel économique, une série de réformes ambitieuses en matière de politique économique, de gestion des ressources naturelles et de finance climatique sont essentielles.

En Afrique, au moins 402 milliards de dollars seront nécessaires chaque année pour combler les déficits de financement dans des domaines clés tels que l’éducation, l’énergie, la productivité, l’agriculture et les infrastructures, selon le rapport « Perspectives économiques en Afrique 2024 » publié par la Banque africaine de développement (BAD). Présenté par le professeur Kevin Urama (photo), économiste en chef et vice-président pour la gouvernance économique et la gestion des connaissances de la BAD, le document analyse la situation économique actuelle du continent et trace des voies de réformes structurelles nécessaires pour catalyser une croissance durable et inclusive.

Une Afrique résiliente, mais…

Avec une population croissante et une économie dynamique, le continent présente un potentiel économique considérable, malgré les défis structurels persistants. L’Afrique, selon le rapport, enregistre une croissance du PIB réel qui la classe juste derrière l’Asie. Avec dix des pays africains parmi les vingt économies à la croissance la plus rapide au monde, le document met en lumière la résilience économique. Néanmoins, la croissance de 3,8% enregistrée cette année n’est pas suffisante pour impulser la transformation structurelle nécessaire sur le continent, d’après Urama. Et là encore, la diversité des trajectoires économiques parmi les nations africaines est frappante. Les pays non riches en ressources démontrent, curieusement, une meilleure performance économique comparativement aux pays riches en ressources, une tendance qui interroge sur l’efficacité de la gestion du capital naturel. Cette gestion, selon Urama, pourrait être le levier pour augmenter les ressources disponibles pour la croissance. Pourtant, malgré des taux de croissance élevés du PIB, de nombreux pays africains restent à la traîne en termes de PIB par habitant, ce qui montre le décalage entre la croissance économique et l’amélioration des conditions de vie. Pour atteindre un impact transformateur, le continent aurait besoin de taux de croissance soutenus de 7 à 10% pendant environ quatre décennies, rappelle l’économiste en chef de la BAD.

La question de la dette est également au cœur des préoccupations. L’endettement des pays africains s’est accru sur la dernière décennie et même si le ratio moyen est stabilisé à environ 63,5 % depuis 2021, la dette publique nécessite une surveillance et une gestion prudentes pour éviter des crises de dette, en raison de sa structure. Urama note que les pays africains paient environ cinq points de pourcentage de plus sur le marché international des capitaux comparativement aux emprunts auprès d’institutions telles que la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement. Si la structure de la dette externe du continent devient de plus en plus préoccupante, c’est parce que les paiements du service de la dette absorbent de plus en plus une grosse part des ressources essentielles des pays, ressources qui pourraient être utilisées pour le développement structurel. « Actuellement, le service de la dette externe monte en flèche, éloignant des ressources cruciales de la transformation économique nécessaire. Ce contexte financier tendu renforce la nécessité d’une réforme profonde de l’architecture financière mondiale pour rendre l’accès aux ressources plus équitable et moins onéreux pour l’Afrique, » fait constater Akinwumi Adesina, président de la BAD, en prélude de la présentation des perspectives économiques en Afrique, édition 2024. Même son de cloche chez son vice-président : « 70% de la dette extérieure africaine est libellée en dollars, et beaucoup de pays se détournent des financements concessionnels à faible coût pour se tourner vers des financements privés à coût élevé, ce qui aggrave la vulnérabilité du continent. » Et de poursuivre : « nous observons une augmentation rapide des paiements du service de la dette externe, qui détourne des ressources essentielles de la transformation structurelle et du développement économique. »

Devises sous pression

L’inflation élevée continue de représenter un défi majeur, exacerbée par les chocs alimentaires et énergétiques, reprend le rapport. En 2023, l’inflation a atteint 17 % et devrait augmenter en 2024. Parallèlement, la dépréciation des monnaies africaines, exacerbée par un dollar américain fort, met une pression supplémentaire sur les économies locales et également sur la dette.

Transformation structurelle et productivité agricole, la clé

La transformation structurelle et la productivité agricole sont au cœur des préoccupations du dernier rapport sur les perspectives économiques de l’Afrique. Le constat est alarmant : bien que le secteur agricole emploie 42 % de la main-d’œuvre continentale, sa productivité demeure 60 % inférieure à la moyenne mondiale. Face à ce défi majeur, le rapport propose une solution novatrice : la création de zones spéciales de transformation agro-industrielle, que la BAD finance déjà dans une dizaine de pays avec « Arise IIP ». Ces zones, envisagées comme des catalyseurs de modernisation, pourraient bien révolutionner l’agriculture africaine, espèrent les auteurs du rapport. L’idée est de passer d’une agriculture de subsistance à une agriculture commerciale hautement productive et durable, capable de nourrir une population croissante et de générer des excédents pour les marchés internationaux.

Sauf que cette transformation nécessite un investissement massif dans des secteurs clés. Or l’analyse des flux financiers externes révèle une diminution significative de 19,4 % entre 2021 et 2022, avec une chute des investissements directs étrangers de 44 % en un an et un recul de l’aide publique au développement d’environ 6 %. Seuls les transferts de fonds ont résisté, et sont restés relativement constants. Pour l’économiste en chef de la BAD, cette situation montre bien « le paradoxe africain, où malgré un potentiel et des opportunités considérables, les coûts élevés du foncier et d’autres facteurs similaires posent des barrières. »

Selon un rapport de Moody’s Analytics, les taux de défaut sur les infrastructures à long terme en Afrique sont de 1,9 %, bien inférieurs aux 12,4 % observés en Europe de l’Est. « Cette situation crée un cercle vicieux où, en raison d’une perception accrue du risque et d’un manque d’investissements, le continent se trouve confronté à des coûts plus élevés pour l’accès au capital. Un phénomène qui limite les investissements dans les projets de transformation structurelle et perpétue la pauvreté, » conclut le rapport, insistant sur une réforme profonde de l’architecture financière mondiale.

La corruption et les flux financiers illicites coûtent plus de 400 milliards $ au continent 

Cependant, le document reconnaît que ces défis ne sont pas uniquement externes. « L’importance d’une gestion solide de la politique macroéconomique ne peut être sous-estimée : une telle gestion permet de réduire la perception des risques, de diminuer le coût du capital et d’exploiter plus efficacement les ressources disponibles », a déclaré le professeur Urama. On estime que la corruption coûte environ 148 milliards de dollars par an au continent, tandis que les transferts de bénéfices vers l’international représentent environ 275 milliards de dollars. « Si nous parvenions à adopter une politique macroéconomique robuste et à maintenir une gestion rigoureuse et responsable, comme l’a suggéré le président, nous pourrions non seulement conserver ces ressources essentielles sur le continent, mais aussi maximiser l’efficacité des fonds externes que nous mobilisons. »

Le rapport fait plusieurs recommandations stratégiques. Renforcer la mobilisation des recettes domestiques devrait constituer une priorité absolue. Actuellement, le ratio de pression fiscale par rapport au PIB de l’Afrique reste faible à 13,6 %, un chiffre bien inférieur à celui d’autres régions. « Avec un ratio de collecte de la TVA qui atteint seulement 24% de son potentiel, l’Afrique a un espace significatif pour augmenter ses revenus internes. L’augmentation de ce ratio non seulement fournirait des fonds supplémentaires pour le développement, mais aussi stabiliserait les économies face aux chocs externes », indique l’économiste. En ce qui concerne la finance climatique, le rapport appelle à une refonte de l’architecture financière pour mieux répondre à la vulnérabilité climatique du continent. Avec des ressources naturelles abondantes telles que le cuivre, le nickel, le cobalt et le lithium, l’Afrique a le potentiel de tirer profit de la transition énergétique mondiale, à condition que ces ressources soient exploitées de manière durable et équitable. Car si la demande pour ces métaux critiques est en forte croissance et devrait augmenter de 2 à 3,5 % au cours de la transition énergétique mondiale, l’Afrique pourrait capturer environ 10 % d’un marché mondial estimé à 16 trillions de dollars, d’ici 2025, si la tendance actuelle se poursuit.

Source Agence écofin

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