vendredi, septembre 12

À quelques semaines de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, la Côte d’Ivoire s’avance une nouvelle fois au bord du gouffre. Le président sortant, Alassane Ouattara, a imposé sa candidature pour un quatrième mandat, en dépit des contestations internes et internationales. Derrière cette décision se dessine un scénario inquiétant : celui d’une démocratie vidée de son sens et menacée par un retour de la violence post-électorale.

À 83 ans, Ouattara s’accroche au pouvoir avec la bénédiction tacite de Paris, qui voit en lui un garant de stabilité et de continuité économique. Mais dans les rues d’Abidjan, la perception est tout autre : pour beaucoup, cette candidature incarne un forcing institutionnel dans un pays déjà fragilisé par des décennies de crises politiques. Le discours officiel, qui invoque une réforme constitutionnelle de 2016 pour justifier un « nouveau départ » des mandats, peine à masquer la réalité : Ouattara veut rester coûte que coûte.

Le décor électoral en dit long. Les grandes figures capables d’incarner une alternance ont été méthodiquement écartées. Tidjane Thiam, l’ancien patron de Credit Suisse, radié de la liste électorale malgré sa renonciation à la nationalité française. Laurent Gbagbo, encore charismatique malgré son âge, tenu à distance par des artifices judiciaires. Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, réduits au silence par des condamnations contestées. Seule une poignée de candidatures « tolérées », parmi lesquelles Simone Gbagbo ou Jean-Louis Billon, a été retenue. Le pluralisme ivoirien est désormais une façade.

L’inquiétude est d’autant plus forte que le souvenir des violences post-électorales de 2010–2011 hante encore les mémoires, avec plus de 3 000 morts. Le verrouillage actuel du jeu politique ouvre un boulevard à la radicalisation, dans un contexte où la jeunesse, privée de perspectives et de représentation, pourrait basculer dans la rue. Derrière les discours de modernisation et de croissance se cache la crainte d’un régime qui se drape dans les habits de la République pour mieux consolider une présidence à vie.

L’étiquette de « république bananière » n’a jamais semblé aussi appropriée pour la Côte d’Ivoire. Institutions capturées, justice instrumentalisée, opposants écartés, parrainage extérieur complaisant : tout semble converger vers une mascarade électorale qui risque de plonger le pays dans une nouvelle spirale de crises. À Abidjan, dans les chancelleries et au sein de la société civile, une même question hante les esprits : combien de temps un pays peut-il survivre à la confiscation répétée de sa démocratie sans basculer dans le chaos ?

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