Mahamoud Ali Youssouf a vraisemblablement pris ses fonctions le 13 mars 2025, en tant que président de la Commission de l’Union africaine pour un mandat de 4 ans. Il sera responsable de présider les réunions de l’UA, de tenir des registres des délibérations, de préparer le budget, et de coordonner les activités des États membres et des communautés économiques régionales. Un rôle clé pour relever les défis continentaux.
L’Afrique est à un tournant. Les espoirs placés dans l’intégration continentale se heurtent aux dures réalités d’un contexte marqué par la multiplication des crises politiques, les coups d’État militaires récurrents et les fractures économiques. L’UA, qui se veut le moteur de l’unité africaine, peine à imposer son autorité face à des États souverains jaloux de leurs prérogatives.
Dès son premier discours, Mahamoud Ali Youssouf n’a pas cherché à minimiser la gravité de la situation. « L’Union africaine doit redevenir une institution crédible, capable d’agir avec fermeté sur les crises qui secouent notre continent. » Une déclaration forte qui tranche avec l’image d’une UA souvent perçue comme un géant impuissant.
Le Sahel s’enfonce dans l’instabilité. Après le départ du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la CEDEAO, la coordination régionale dans la lutte contre le terrorisme est en lambeaux. Les attaques djihadistes s’intensifient, les armées nationales peinent à contenir l’expansion des groupes armés, et l’avenir de la Force conjointe du G5 Sahel semble plus incertain que jamais.
L’Afrique de l’Est, quant à elle, n’est pas en reste. La Somalie, toujours aux prises avec les Shebabs, peine à asseoir son autorité sur l’ensemble de son territoire. En République démocratique du Congo, la guerre larvée entre Kinshasa et Kigali autour de la rébellion du M23 menace d’embraser toute la région des Grands Lacs.
L’Union africaine, sous la présidence de Mahamoud Ali Youssouf, devra donc faire preuve de fermeté et d’initiative. Mais avec quels moyens ? La question du financement de ses opérations de maintien de la paix reste un problème majeur. L’organisation dépend largement des financements extérieurs, notamment de l’Union européenne et des Nations unies, ce qui limite considérablement son autonomie d’action.
Des fractures politiques internes
Si les guerres et les insurrections affaiblissent le continent, les tensions politiques entre États membres ne facilitent pas non plus la tâche du nouveau président de la Commission. L’Afrique peine à parler d’une seule voix sur la scène internationale.
Le retrait de certains pays de la CEDEAO a fragilisé l’un des piliers de l’intégration régionale. Par ailleurs, la question du Sahara occidental continue de diviser profondément l’organisation, opposant des membres influents comme l’Algérie et le Maroc. La paralysie du Conseil de paix et de sécurité de l’UA sur ce dossier symbolise l’incapacité de l’organisation à trancher sur les différends internes.
Autre défi : la légitimité de l’UA auprès des peuples africains. Beaucoup la perçoivent comme une institution éloignée de leurs préoccupations, davantage préoccupée par la diplomatie que par les enjeux concrets du quotidien, comme l’emploi, l’éducation ou la sécurité alimentaire.
Une Afrique face aux turbulences mondiales
Mahmoud Ali Youssouf prend les rênes de l’UA à un moment où le monde traverse une période de reconfigurations majeures. La rivalité entre la Chine et les États-Unis s’intensifie, la guerre en Ukraine continue d’avoir des répercussions sur les prix des denrées alimentaires et de l’énergie, et l’Afrique devient un terrain de jeu stratégique pour les puissances étrangères.
Le continent est courtisé, mais souvent instrumentalisé. Entre la Russie qui étend son influence à travers le groupe Wagner et les accords militaires, la Chine qui poursuit son expansion économique, et les États-Unis qui cherchent à regagner du terrain après des années de relative indifférence, l’UA doit naviguer avec prudence.
Le sommet Afrique-Russie, prévu dans quelques mois, sera un premier test pour Mahamoud Ali Youssouf. Parviendra-t-il à éviter que l’Afrique ne soit perçue comme un simple pion dans les jeux géopolitiques mondiaux ? L’enjeu est de taille.
Vers un renouveau de l’Union africaine ?
Face à ces multiples défis, le mandat de Mahamoud Ali Youssouf s’annonce comme l’un des plus complexes de ces dernières années. Sa capacité à restaurer l’influence et l’efficacité de l’Union africaine dépendra de plusieurs facteurs : le renforcement de l’indépendance financière de l’UA, une médiation plus ferme dans les conflits régionaux, et une diplomatie plus proactive sur la scène internationale.
L’Afrique est à la croisée des chemins. Plus que jamais, son unité et sa stabilité seront mises à l’épreuve. Pour Mahamoud Ali Youssouf, le temps de la diplomatie passive est révolu. Reste à savoir s’il aura les moyens politiques et institutionnels d’imprimer sa marque sur l’histoire de l’Union africaine.