L’univers du numérique est devenu un terrain fertile pour les théories du complot et les campagnes de désinformation. L’affaire Hicham Jerando en est l’illustration parfaite, révélant comment des figures controversées peuvent voir leurs propos amplifiés par des réseaux orchestrés à des fins politiques. Ce youtubeur marocain, installé au Canada, s’est imposé non pas par son activité de commerçant, mais en surfant sur la vague des accusations sensationnalistes contre le Maroc, sa monarchie et ses institutions sécuritaires.

À ses débuts, Hicham Jerando s’était présenté comme un consultant abordant des sujets liés à l’entrepreneuriat et à la finance. Mais rapidement, son discours a pris une tournure radicale, s’orientant vers des théories conspirationnistes et des attaques ciblées contre des figures politiques et sécuritaires du Royaume.
Son ascension sur YouTube, où il compte plus de 727 000 abonnés, témoigne d’un phénomène devenu courant sur les réseaux sociaux : l’exploitation des controverses pour attirer l’attention et gagner en notoriété. Sa dernière vidéo, diffusée il y a une semaine et cumulant plus de 126 000 vues, illustre cette mécanique. Il y évoque un hypothétique « coup d’État silencieux » au Maroc, suggérant que le roi Mohammed VI serait empêché de gouverner et que le prince héritier Moulay El Hassan serait en danger.
Ces allégations, aussi graves qu’infondées, ont suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux, où de nombreux internautes ont dénoncé une manipulation visant à semer la discorde et à attiser les tensions. Certains observateurs y voient une tentative à peine voilée d’incitation à la violence et à la déstabilisation.
L’affaire prend une tournure judiciaire
L’attention portée à Jerando s’est intensifiée après l’arrestation de plusieurs membres de sa famille, impliqués dans une affaire d’extorsion et de détournement de fonds. Le parquet de Casablanca a récemment placé en garde à vue quatre individus, dont la sœur du youtubeur et son mari, poursuivis pour « complicité d’outrage à un organe constitutionnel », « diffusion de fausses allégations » et « menaces ».
Parmi les suspects figure également une mineure de 15 ans, qui a été placée dans un centre de protection de l’enfance, conformément aux dispositions légales en vigueur. Contrairement aux allégations relayées par certains médias internationaux, elle n’a pas été emprisonnée. Selon l’enquête, cette adolescente aurait fourni des cartes SIM utilisées pour des actes de cyberextorsion et de diffamation.
Si le parquet n’a pas cité directement Hicham Jerando comme suspect principal, plusieurs sources indiquent que son nom figure au cœur du dossier. Actuellement réfugié à l’étranger, il semble orchestrer depuis le Canada une campagne visant à décrédibiliser les institutions marocaines, tout en alimentant la polémique autour de l’arrestation de ses proches.
La récupération médiatique et la propagande algérienne
L’affaire a rapidement dépassé le cadre de la simple controverse numérique. Elle a été massivement relayée par des comptes de type troll, souvent affiliés à des réseaux de désinformation soutenus par le régime algérien. Ces « mouches électroniques », comme on les appelle communément, ont saisi cette opportunité pour amplifier la rhétorique anti-marocaine, transformant les accusations de Jerando en un récit construit pour nuire à l’image du Maroc sur la scène internationale.
Plusieurs médias algériens, dont Radio Algérie, ont relayé la thèse selon laquelle le youtubeur serait victime d’une machination orchestrée par le Maroc pour étouffer des révélations gênantes sur la corruption. Ces affirmations, dépourvues de toute preuve tangible, se sont rapidement propagées sur TikTok et Instagram, où des hashtags dénonçant un prétendu « scandale au Maroc » ont émergé.
Le journal en ligne marocain Le360 a, de son côté, souligné l’ironie de la situation : Jerando, qui se présente comme un défenseur de la transparence et de la lutte contre la corruption, aurait lui-même tenté d’user de son influence pour faire admettre une de ses nièces à la faculté de médecine sans passer par le concours officiel. Cette révélation jette une lumière crue sur l’écart entre son discours et ses pratiques.
Une mécanique bien rodée de manipulation
L’affaire Jerando illustre une stratégie médiatique bien connue, où des individus en quête de notoriété exploitent les codes des réseaux sociaux pour diffuser des récits de conspiration. Leur discours, une fois amplifié par des réseaux bien organisés, devient un outil de propagande servant des intérêts politiques.
Mais comme souvent, la surenchère finit par dévoiler les contradictions de ces figures controversées. En repoussant sans cesse les limites de la provocation, Jerando a attiré l’attention sur lui et sur son entourage, précipitant une chute aux conséquences judiciaires imprévues. Et pendant que les médias algériens tentent de détourner l’attention en alimentant de nouvelles théories du complot, les faits demeurent : derrière l’écran, la réalité rattrape toujours ceux qui en abusent.

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