L’annonce de l’ouverture prochaine d’un deuxième poste frontalier entre le Maroc et la Mauritanie, suivie du lancement des travaux d’un troisième passage à Gleibat El Foula, marque un tournant décisif dans la reconfiguration géopolitique de l’espace sahélo-saharien. Cette évolution, qui s’inscrit dans la continuité de la sécurisation réussie du poste de Guergarate en novembre 2020, transcende largement la simple question des échanges commerciaux bilatéraux pour dessiner les contours d’une nouvelle architecture régionale.

La pose de la première pierre d’une aire de repos le 17 février 2025 par le gouverneur de la province de Smara, Ibrahim Boutoumilat, symbolise l’accélération de cette dynamique. Le projet routier, achevé à 95% et s’étendant sur 93 kilomètres pour un investissement de 49,72 millions de dirhams, illustre l’ampleur de la vision stratégique en cours de déploiement.

Le maillage territorial en construction repose sur trois axes majeurs de connexion entre le Maroc et la Mauritanie. Le poste historique de Guergarate, reliant Dakhla à Nouadhibou, constitue la première artère de ce réseau. Le deuxième axe en développement connectera la ville de Smara (Maroc) à Bir Moghrein (Mauritanie) via le poste frontalier d’Amgala (Maroc). Enfin, le troisième projet en gestation reliera Bir Anzaran (Maroc) à Zouerat (Mauritanie) via le futur poste frontalier de Gleibat El Foula (Maroc), dessinant ainsi une toile de connexions stratégiques couvrant l’ensemble de l’espace transfrontalier.

Cette architecture territoriale sophistiquée transforme radicalement la géographie des échanges régionaux. La multiplication des points de passage permet non seulement de décongestionner le poste de Guergarate, mais aussi d’ouvrir de nouvelles routes commerciales vers les profondeurs du Sahel. La connexion avec Zouerat, centre minier majeur de la Mauritanie, revêt une importance particulière dans cette configuration.

L’Initiative Royale Atlantique, lancée par le Roi Mohammed VI, dépasse le cadre traditionnel des relations bilatérales pour s’inscrire dans une perspective continentale. La multiplication des points de passage entre le Maroc et la Mauritanie ne vise pas uniquement à fluidifier les échanges entre les deux pays, mais à créer une véritable dorsale sahélienne reliant l’Atlantique aux profondeurs du continent africain.

Les statistiques sont éloquentes : le poste de Guergarate, qui voit transiter quotidiennement environ 200 camions, a connu une augmentation spectaculaire de son trafic depuis sa sécurisation, passant de 24 795 véhicules en 2019 à près de 45 000 en 2022. Cette progression de 75% des entrées et de 88% des sorties sur le territoire marocain témoigne du potentiel considérable de ces nouvelles routes commerciales.

Révolution géopolitique silencieuse

La rencontre tripartite du 28 décembre 2024 à Abu Dhabi, tenue dans la plus grande discrétion et jamais rendue publique, entre le Roi Mohammed VI, le Président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et le Président des Émirats arabes unis Mohammed Ben Zaid, préfigure l’ampleur des transformations en cours. La prochaine Commission Mixte maroco-mauritanienne de mars 2025 à Nouakchott s’annonce comme l’aboutissement d’une maturation diplomatique initiée depuis le début des années 2020.

Cette évolution s’articule autour de plusieurs axes stratégiques majeurs. Le projet du Gazoduc Afrique-Atlantique (AAGP), reliant le Nigeria au Maroc en passant par la Mauritanie, illustre la dimension énergétique de cette reconfiguration. La modernisation des infrastructures routières et le développement de plateformes logistiques communes dessinent les contours d’un corridor économique innovant.

La multiplication des points de passage sécurisés entre le Maroc et la Mauritanie répond également aux impératifs sécuritaires croissants dans la région sahélo-saharienne. L’approche intégrée, combinant développement économique et sécurisation des espaces, offre un modèle innovant de stabilisation régionale.

La coordination renforcée entre les services de sécurité des deux pays, conjuguée au développement d’infrastructures modernes, contribue à créer une zone de stabilité qui rayonne au-delà des frontières. Cette approche holistique devient un modèle pour toute la région, associant réponses militaires classiques et programmes de développement socio-économique.

Un hub stratégique en formation

L’émergence de ce nouveau corridor atlantique transforme la géographie économique de la région. Pour les pays enclavés du Sahel comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger, ces nouvelles routes vers l’Atlantique représentent une opportunité majeure de diversification de leurs accès aux marchés internationaux.

Le développement des infrastructures s’accompagne d’une intensification de la coopération dans des domaines stratégiques. La formation, à travers des programmes d’échange universitaire et la création de centres d’excellence communs, pose les bases d’un développement durable et partagé. Les secteurs de l’agriculture saharienne, de la gestion des ressources hydriques et des énergies renouvelables bénéficient particulièrement de cette dynamique.

Ce repositionnement géostratégique attire l’attention des puissances internationales. L’Europe y voit un facteur de stabilisation de sa frontière sud, tandis que les États-Unis, dans leur stratégie de pivot atlantique vers l’Afrique, trouvent dans l’axe Rabat-Nouakchott un partenaire fiable. La Chine, quant à elle, considère ce développement comme une opportunité d’étendre son influence le long de la façade atlantique africaine.

Le Hub gazier transfrontalier

Selon des informations exclusives obtenues par l’Institut Géopolitique Horizons auprès de sources hautement fiables, la prochaine réunion de la Haute Commission Mixte devrait être le théâtre d’une annonce majeure : le lancement d’un hub gazier maroco-mauritanien d’envergure, stratégiquement positionné sur la ligne frontalière le long du littoral atlantique. Ce projet, dont les contours précis restent confidentiels, marquerait une nouvelle étape dans l’intégration énergétique régionale.

Cette infrastructure, qui s’inscrit dans la continuité du projet de Gazoduc Afrique-Atlantique (AAGP), pourrait révolutionner la carte énergétique de la région. En positionnant ce hub à la frontière maritime des deux pays, le Maroc et la Mauritanie affirment leur volonté de créer un pôle énergétique majeur capable de servir à la fois les marchés africains et européens. Ce positionnement stratégique, conjugué aux développements récents dans l’exploitation gazière offshore mauritanienne, dessine les contours d’une nouvelle puissance énergétique régionale.

Les défis restent nombreux. La réussite de cette transformation dépendra de la capacité à maintenir le momentum actuel, à concrétiser les projets ambitieux et à gérer les attentes croissantes des populations locales. Les tensions persistantes dans la région, notamment autour de la question du Sahara occidental, nécessitent une gestion diplomatique prudente.

Néanmoins, l’engagement personnel des dirigeants des deux pays, combiné à la mobilisation des acteurs économiques et de la société civile, laisse augurer des perspectives prometteuses. La révolution silencieuse en cours entre Rabat et Nouakchott devient le socle d’une nouvelle ère de prospérité et de stabilité pour l’ensemble de la région sahélo-saharienne.

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