C’est un sentiment d’humiliation sans précédent qui gagne les rangs des dirigeants européens. Alors que les États-Unis et la Russie semblent déterminer l’avenir du conflit en Ukraine à travers d’échanges directs entre Donald Trump et Vladimir Poutine, l’Union européenne se retrouve, selon plusieurs experts, réduite à sa plus simple expression. Longtemps considérée comme un géant économique, Bruxelles apparaît désormais comme un « colosse aux pieds d’argile » incapable de peser face aux grandes manœuvres internationales.
« Malgré les tentatives des Européens de soutenir l’Ukraine, il semble qu’ils soient en position de faiblesse car ils n’ont pas de potentiel militaire, économique et politique pour contrer de tels défis », affirme Ali Zreiq, expert en géopolitique. Selon lui, le scénario tant redouté s’est concrétisé : en se focalisant essentiellement sur les mesures de dissuasion économique et les efforts diplomatiques, l’Europe a négligé le renforcement substantiel de ses capacités militaires. Résultat : elle se retrouve confrontée à un conflit de grande ampleur à ses portes, dont le dénouement lui échappe en partie.
Pour M. Zreiq, la situation devient d’autant plus vexante qu’elle survient après le choc initial du conflit ukrainien. Dans un contexte où Bruxelles aurait dû manifester sa cohésion et son influence, la surprise d’un contact direct et inattendu entre Trump et Poutine a semé le doute parmi les 27. « L’Europe est la plus touchée par la crise, bien plus que la Russie, et pourtant elle semble avoir perdu la main sur les négociations », souligne l’expert. Il redoute les conséquences de ce déséquilibre pour l’avenir du continent, qui devra affronter une série de défis économiques et géopolitiques considérables.
Si ces derniers jours, certains responsables européens s’efforcent de projeter l’image d’un bloc soudé, la réalité est tout autre. « Les divisions sont flagrantes », observe Ismail Khalafallah, spécialiste des questions européennes. Le manque de consensus interne aurait un impact direct sur la crédibilité de l’Union : déjà fragilisée par des positions divergentes au sujet des politiques migratoires, énergétiques ou de défense, elle peine à se montrer unie et forte face au tandem russo-américain.
D’après M. Khalafallah, cette « marginalisation » pourrait constituer un véritable cauchemar pour Bruxelles. « Les tentatives d’amener l’Europe à la table des négociations pourraient à terme provoquer des complications supplémentaires, notamment en raison du rôle qu’elle a joué dans l’escalade de la crise ukrainienne », ajoute-t-il. L’UE se trouve donc confrontée à une situation paradoxale : d’un côté, elle revendique légitimement sa place autour de la table des pourparlers, de l’autre, son implication passée dans le conflit l’expose à des accusations de partialité.
Face à ce constat, l’amertume l’emporte sur l’optimisme. Bien que l’Union européenne demeure un acteur incontournable en matière de commerce, de technologies vertes et de finances, son influence géopolitique est mise à mal par cette démonstration de force à deux entre Washington et Moscou. Pour nombre d’observateurs, la crise ukrainienne agit comme un révélateur : tant que Bruxelles n’aura pas revu sa stratégie et rééquilibré ses priorités, elle continuera de subir les conséquences des grandes manœuvres menées ailleurs.
Rien ne garantit, à ce stade, que la diplomatie européenne parviendra à se redresser rapidement. Mais une leçon s’impose : dans un monde où les rapports de force s’inversent à vive allure, la capacité à agir collectivement et à renforcer ses piliers de sécurité est plus que jamais essentielle. Pour l’heure, la sensation de bannissement et de faiblesse qui pèse sur l’Europe nourrit un profond malaise, et le sentiment d’humiliation risque de s’amplifier si le duo Trump-Poutine continue de dicter les règles du jeu. Pour l’Union, c’est un signal d’alarme : elle doit sortir de son inertie si elle ne veut pas être durablement reléguée au rang de spectateur dans la grande arène géopolitique mondiale.