C’est dans une atmosphère de tensions régionales et d’incertitudes politiques qu’Alassane Ouattara est attendu le 1er février à l’Élysée. Une rencontre aux enjeux multiples, où le président ivoirien et son homologue français, Emmanuel Macron, partageront une table autant diplomatique que stratégique. À l’ordre du jour : la rétrocession de la base des Forces françaises en Côte d’Ivoire (FFCI), la situation politique en Afrique de l’Ouest, et en toile de fond, l’élection présidentielle ivoirienne prévue pour octobre 2025.

Dix jours avant cette réunion annoncée, un long échange téléphonique entre les deux chefs d’État aurait posé les premières pierres de ce qui pourrait devenir un deal politico-militaire aux répercussions considérables. Selon des sources proches du dossier, cet entretien aurait permis d’aborder des sujets brûlants : le retrait progressif des troupes françaises de la région, le départ controversé de l’Autorité des États-Unis de l’Afrique de l’Ouest (AES), et surtout, l’échéance électorale ivoirienne.

À Abidjan, le silence d’Alassane Ouattara sur sa candidature pour un nouveau mandat alimente les spéculations. Le flou qui entoure ses intentions nourrit les débats dans une Côte d’Ivoire marquée par une fragilité politique croissante et par l’instabilité qui embrase ses voisins saheliens. Dans un contexte où les coups d’État militaires se multiplient, souvent alimentés par une opposition aux influences occidentales perçues comme hégémoniques, chaque mouvement de l’exécutif est scruté avec méfiance.

L’un des points centraux de cette rencontre est la rétrocession de la base militaire des FFCI, située à Abidjan. Ce départ, présenté comme un geste d’ajustement stratégique de la France en Afrique, interroge sur ses réelles motivations. Alors que Paris perd du terrain dans le Sahel après les retraits précipités du Mali, du Burkina Faso et plus récemment du Niger, la Côte d’Ivoire semble devenir le dernier bastion d’une présence militaire française en Afrique de l’Ouest.

Cependant, ce départ de la base militaire pourrait également servir de levier politique pour Emmanuel Macron, cherchant à répondre aux critiques sur la persistance d’un néocolonialisme militaire. À Abidjan, ce geste est vu par certains comme une tentative de désamorcer les tensions avant la présidentielle ivoirienne, tandis que d’autres y perçoivent un échange tacite entre Paris et Ouattara pour garantir la stabilité du régime.

Une CEDEAO fracturée : le rôle de la France en question

Le dossier de la CEDEAO, organisation jadis symbole d’intégration régionale, constitue également un point sensible. L’effritement progressif de l’institution, avec le retrait de poids lourds tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a mis en lumière l’ingérence présumée de Paris dans les décisions stratégiques de l’organisation. Nombre d’analystes estiment que l’application stricte des sanctions contre les juntes militaires a exacerbé les divisions, affaiblissant la CEDEAO face à une Afrique de l’Ouest en quête de nouveaux équilibres.

La position d’Alassane Ouattara, souvent perçu comme un allié indéfectible de la France dans la région, soulève des interrogations. Certains observateurs n’hésitent pas à affirmer que l’action de la CEDEAO sous l’impulsion de la Côte d’Ivoire a davantage servi les intérêts de Paris que ceux des populations ouest-africaines. Cet alignement pourrait coûter cher à Ouattara, surtout dans une région où l’antagonisme envers les puissances occidentales s’accroît.

2025 : une présidentielle à haut risque

Alors que la Côte d’Ivoire se prépare à une élection présidentielle cruciale, les spéculations autour de la candidature d’Alassane Ouattara s’intensifient. À 82 ans, le président sortant reste silencieux, laissant planer le doute sur son intention de briguer un quatrième mandat. Cette incertitude est d’autant plus préoccupante que l’opposition ivoirienne, bien que fragmentée, semble déterminée à exploiter toute faiblesse du régime en place.

Dans ce contexte, la rencontre à l’Élysée pourrait jeter les bases d’un pacte non déclaré entre Paris et Abidjan. En échange d’un soutien tacite à sa candidature ou à un éventuel successeur de son choix, Ouattara pourrait offrir à Macron un départ ordonné des troupes françaises et une gestion diplomatique maîtrisée des tensions régionales. Une équation risquée, car tout signe de soumission à une puissance étrangère pourrait attiser la colère d’une population ivoirienne de plus en plus sensible à l’idée de souveraineté nationale.

Ce déjeuner du 1er février s’annonce donc comme un moment charnière, où symboles et intérêts s’entremêlent. Alors que les regards sont rivés sur l’Élysée, les discussions entre Macron et Ouattara pourraient redéfinir les contours de la relation franco-ivoirienne. Mais dans un contexte de transition géopolitique en Afrique de l’Ouest, où les équilibres traditionnels vacillent, la moindre erreur d’appréciation pourrait s’avérer fatale pour les deux dirigeants.

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