Sous l’impulsion de Jacques Foccart, le général Charles de Gaulle a instauré un système néocolonial qui défie le temps. Hassan II, ancien roi du Maroc, qualifiait ce système d’“indépendance dans l’interdépendance”, tandis que Félix Houphouët-Boigny, ancien président ivoirien, l’appelait “Françafrique”.

La Françafrique désigne un réseau tentaculaire de dirigeants africains, de personnalités politiques, militaires et économiques, visant à maintenir l’influence française en Afrique tout en pillant ses ressources. Ce système, véritable mafia, nourrit la corruption, les complots, les assassinats et la misère, comme l’a tristement illustré l’affaire ELF, dont le procès à Paris n’a pas suffi à démanteler cette toile criminelle.

François-Xavier Verschave, dans son ouvrage La Françafrique, le plus long scandale de la République, décrit ce système comme une “nébuleuse d’acteurs économiques, politiques et militaires, en France et en Afrique, organisée en réseaux et lobbies, polarisée sur l’accaparement des matières premières et de l’aide publique au développement”. Selon lui, ce système est intrinsèquement hostile à la démocratie, préférant la stabilité politique, au service des intérêts français, à l’émancipation des peuples africains.

La démocratie, selon la Françafrique, se résume à garantir à la France une exploitation exclusive des ressources minières et pétrolières. Pierre Messmer, ancien haut-commissaire français au Cameroun, affirmait d’ailleurs : “La France accordera l’indépendance à ceux qui la réclament le moins, après avoir éliminé politiquement et militairement ceux qui la réclamaient avec le plus d’intransigeance.”

Ce principe s’est traduit par des violences d’État : assassinats d’opposants, coups d’État, élections truquées et répressions sanglantes des populations civiles. Dès 1960, Jacques Foccart a mis en place une police parallèle, le Service d’Action Civique (SAC), chargée d’éliminer les opposants africains. Ce même SAC est impliqué dans la disparition du leader marocain Mehdi Ben Barka.

Le Cameroun a subi l’une des répressions les plus violentes, avec l’élimination de Ruben Um Nyobe et de ses partisans indépendantistes, massacrés entre 1957 et 1970 lors de bombardements intensifs français qui ont ravagé la région bamiléké. Plus de 100 000 personnes ont péri, selon le journaliste André Blanchet. Au Togo, le président démocratiquement élu Sylvanus Olympio a été assassiné en 1963 lors d’un coup d’État appuyé par des officiers français. Au Niger, Hamani Diori a été renversé dès qu’il a envisagé de vendre l’uranium à un autre pays que la France.

Aujourd’hui encore, le système de la Françafrique perdure. Aucun président français, pas même Emmanuel Macron, n’a véritablement entrepris de réforme. En 2017, lors de son discours à l’université de Ouagadougou, Macron promettait une politique africaine débarrassée des reliques coloniales. Pourtant, il a rapidement été rattrapé par les pratiques traditionnelles de la Cinquième République, comme en témoigne son rôle présumé dans les tensions autour du Niger et les tentatives d’encerclement des pays de l’AES par des bases militaires françaises.

Ce système repose sur des complicités locales et internationales, alimenté par des élites corrompues et des “servants locaux” qui trahissent la souveraineté de leurs nations. La véritable lutte pour l’indépendance et la souveraineté passe par l’identification et la neutralisation de ces traîtres, premiers obstacles à la libération des peuples africains.

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