L’Organisation des Nations Unies (ONU), institution censée incarner les idéaux de paix, de justice et de coopération mondiale, semble aujourd’hui assiégée par une dynamique d’oligarchie mondiale qui interroge profondément son efficacité et son pouvoir d’action. Ce constat, qui a été souligné par des organisations telles qu’Oxfam, va bien au-delà de la simple critique de ce qu’un ancien président français, Jacques Chirac, qualifiait de « machin » : il révèle une organisation internationalement dévalorisée, minée par les intérêts des puissances économiques et politiques qui l’utilisent comme un simple épouvantail pour maintenir un ordre mondial profondément inégalitaire. L’incapacité de l’ONU à résoudre des crises majeures telles que la guerre en Ukraine, le génocide à Gaza ou d’autres conflits armés, notamment en Afrique, met en lumière l’asymétrie grandissante entre les discours de paix et la réalité des rapports de force.

Oxfam, à travers ses rapports, dénonce l’omniprésence de l’oligarchie mondiale, qui exerce une influence démesurée sur les décisions internationales, notamment celles prises à l’ONU. Les chiffres sont accablants : les 1% les plus riches détiennent plus de 43% de tous les actifs financiers mondiaux, tandis que les pays du Sud global, représentant 79% de la population mondiale, ne contrôlent que 31% des richesses mondiales. Ces inégalités extrêmes ne sont pas seulement le reflet de divergences économiques : elles génèrent une dynamique de pouvoir où les décisions prises sur la scène internationale sont de plus en plus dictées par des intérêts privés et des multinationales, au détriment des nations les plus vulnérables.

Cette concentration des richesses et des pouvoirs dans les mains de quelques-uns, qui contrôle les grandes entreprises et les ressources essentielles, exacerbe les fractures mondiales. Plus d’un tiers des 50 plus grandes entreprises mondiales ont à leur tête des milliardaires ou des actionnaires principaux issus des plus riches, et ces entreprises, dont la valeur boursière totale s’élève à 13 300 milliards de dollars, imposent leurs règles au monde entier. Cette oligarchie, souvent invisible et agissant dans l’ombre, a transformé l’ONU en une instance de représentation symbolique où les grandes puissances, notamment occidentales, usent de leur pouvoir pour empêcher tout véritable changement.

L’ONU est alors de plus en plus perçue comme un lieu de débats stériles où les efforts multilatéraux pour résoudre des crises globales comme la crise climatique, la pauvreté et les inégalités, sont constamment contrecarrés par l’influence des ultrariches et des méga-entreprises. Ces dernières, par leur contrôle monopolistique, influencent les décisions politiques internationales, freinant les avancées essentielles pour un avenir plus équitable. L’absence d’un véritable engagement pour réformer les institutions internationales, et notamment le Conseil de sécurité de l’ONU, où des puissances telles que les États-Unis, la Russie et la Chine détiennent un pouvoir de veto, permet à ces intérêts privés de continuer à dicter leur loi au détriment du reste du monde.

Les conséquences de cette dynamique sont nombreuses. Les grandes entreprises pharmaceutiques, par exemple, ont résisté aux efforts internationaux pour détruire leurs monopoles sur les technologies des vaccins contre la COVID-19, entravant ainsi l’accès équitable aux vaccins pour les pays du Sud. De même, les créanciers privés, en particulier ceux opérant dans le secteur bancaire et les fonds spéculatifs, aggravent la crise de la dette des pays les plus pauvres, détournant les ressources publiques de ces nations des services essentiels comme l’éducation, la santé et la protection sociale pour les orienter vers le remboursement d’une dette inéquitables.

Cette concentration des pouvoirs, où les grandes puissances, à travers leurs sociétés multinationales, se positionnent comme les véritables maîtres du monde, pose la question de l’avenir de la gouvernance mondiale. L’ONU, dans sa forme actuelle, semble incapable de contrer cette oligarchie. Pourtant, les solutions existent : un multilatéralisme véritablement fondé sur la solidarité, soutenu par une réforme en profondeur des institutions internationales, pourrait constituer une réponse. Les pays du Sud global, conscients de cette situation, ont proposé des solutions, comme la mise en place d’une convention internationale sur la fiscalité, visant à taxer plus équitablement les multinationales et les ultrariches.

Cependant, ce changement ne pourra venir que si les dirigeants des pays du Sud, avec le soutien de la société civile, font front face aux lobbies des grandes puissances et des entreprises. Ils devront convaincre les autres acteurs mondiaux que l’avenir de l’humanité réside dans un ordre mondial où les inégalités sont réduites, où les grandes entreprises paient leur juste part d’impôts et où les droits humains et la justice sociale priment sur les intérêts économiques des plus puissants.

Ainsi, la véritable question qui se pose aujourd’hui est celle de la légitimité de l’ONU à jouer son rôle de médiateur dans un monde où l’oligarchie économique influence de plus en plus ses décisions. L’ONU, sous l’influence des grandes puissances et des multinationales, est-elle encore capable d’être ce forum d’échange et de solution aux crises mondiales ? Ou bien ne devient-elle qu’un instrument entre les mains des puissants, un « machin » sans véritable pouvoir, incapable de mettre fin aux conflits qui minent l’ordre mondial ?

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