Le 20 janvier 2025, Donald Trump, fraîchement réinstallé à la Maison-Blanche après une élection marquée par la polarisation extrême de la société américaine, a signé une série de décrets bouleversant la politique étrangère des États-Unis. Parmi ces décisions, l’ordre de suspendre tous les programmes d’aide et d’assistance étrangère se distingue par son ampleur et ses conséquences stratégiques. Officiellement justifiée par la nécessité d’évaluer l’« efficacité programmatique » de ces initiatives et leur « cohérence avec les intérêts américains », cette décision constitue une rupture brutale avec des décennies de diplomatie fondée sur l’influence économique et le soft power. Mais au-delà du dogmatisme trumpien, cette volte-face profite directement à un acteur incontournable de la scène mondiale : la Chine de Xi Jinping.

Loin d’être un simple ajustement budgétaire, la suspension des programmes d’aide américains traduit une volonté assumée de repli sur soi. Dès le 26 janvier, le secrétaire d’État Marco Rubio a renforcé cette directive en exigeant une suspension immédiate de toute assistance étrangère. Certes, face à une levée de boucliers de la société civile et aux images déchirantes diffusées par les médias — notamment celles d’enfants privés de traitements contre le SIDA et de réfugiés syriens laissés sans soutien — une dérogation a été concédée pour certaines actions humanitaires. Mais cette concession tardive ne saurait masquer la réalité : les États-Unis se délestent d’un levier d’influence majeur, abandonnant des terrains que Pékin est prêt à occuper.

Depuis deux décennies, la Chine s’est imposée comme un acteur clé de l’aide au développement, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Toutefois, contrairement aux États-Unis, Pékin n’a jamais cherché à conditionner son assistance à des critères démocratiques ou à des réformes politiques. Son approche pragmatique et fondée sur les infrastructures — via l’initiative des « Nouvelles Routes de la Soie » — lui a permis de nouer des partenariats solides avec des pays en quête d’investissements. En réduisant son engagement international, Washington accélère cette dynamique et offre à la Chine un boulevard pour renforcer son influence.

Le démantèlement de l’USAID : un aveu d’impuissance face à Pékin ?

L’assaut sur l’aide étrangère ne s’arrête pas aux coupes budgétaires. Il s’inscrit dans une volonté plus large de démantèlement institutionnel, telle que définie par le Projet 2025, un document de référence pour l’administration Trump visant à remodeler l’exécutif selon une vision nationaliste et conservatrice. Parmi ses recommandations : le réalignement de l’aide étrangère sur les objectifs de la politique trumpienne, l’élimination des programmes jugés trop progressistes (notamment ceux liés à la diversité, à l’environnement et aux droits des femmes), et une refonte de l’USAID, l’agence américaine pour le développement international.

Les initiatives lancées lors du premier mandat de Trump pour restructurer l’USAID avaient échoué face à l’opposition du Congrès et des diplomates chevronnés. Cette fois, la stratégie s’avère plus radicale : la suspension prolongée de l’aide, combinée à un démantèlement des hauts échelons de l’agence, marque un coup d’arrêt brutal à la présence américaine sur de nombreux terrains stratégiques. En interne, la mise sous tutelle de l’USAID par le « Département de l’efficacité gouvernementale » (DOGE) témoigne de cette volonté de filtrer les programmes en fonction des priorités politiques du président.

Face à ce vide laissé par Washington, Pékin n’a même pas besoin d’augmenter son aide pour accroître son emprise. Les États qui dépendaient du soutien américain, notamment en Afrique et en Asie du Sud-Est, se tournent naturellement vers la Chine, dont l’approche ne souffre ni d’atermoiements bureaucratiques ni de revirements idéologiques.

Vers un monde sous leadership chinois ?

L’isolement diplomatique imposé par Trump à son propre pays ne fait qu’accélérer un processus déjà en cours : l’érosion de l’influence américaine au profit de la Chine. À l’inverse du pragmatisme de Xi Jinping, qui capitalise sur chaque faux pas de Washington pour renforcer l’image de Pékin comme un acteur fiable, la politique étrangère américaine semble désormais dictée par une idéologie plus préoccupée par la destruction du multilatéralisme que par la défense des intérêts à long terme des États-Unis.

Le retrait américain de la scène internationale n’affaiblit pas seulement la position de Washington vis-à-vis de Pékin. Il alimente une méfiance croissante chez ses alliés, qui voient dans ces revirements successifs le signe d’une Amérique instable et peu fiable. Déjà, plusieurs pays européens ont commencé à diversifier leurs relations diplomatiques et économiques, intégrant progressivement la Chine dans leurs stratégies de partenariat. En Afrique, où les États-Unis peinent à contrer l’offensive économique chinoise, cette politique du vide risque de sceller définitivement l’ascendant de Pékin sur le continent.

Alors que Trump mise sur une diplomatie du repli et de la confrontation, Xi Jinping déroule méthodiquement son plan pour imposer la Chine comme le centre névralgique du commerce et du développement mondial. Si cette tendance se confirme, il se pourrait bien que, dans quelques années, l’on regarde le deuxième mandat de Trump comme le moment où les États-Unis ont définitivement laissé les rênes du monde à la Chine.

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