L’Afrique, en tant que continent aux besoins économiques, diplomatiques et sécuritaires diversifiés, présente des spécificités qui nécessitent une approche adaptée de la part de la Russie. Plusieurs nations africaines ont déjà accueilli favorablement les initiatives russes, notamment dans le domaine de l’éducation, particulièrement en Afrique de l’Ouest. Malgré des taux d’accès à l’éducation encore faibles, l’ancienne Union soviétique avait su mettre en place des échanges culturels variés qui ont contribué à la transformation socio-économique de certains pays africains. Le positionnement historique anticolonial de la Russie a favorisé l’acceptation de ses initiatives dans des pays comme l’Angola, le Sénégal ou encore l’Afrique du Sud, notamment dans les secteurs de la musique, de la mode et de l’artisanat, bien que les infrastructures demeurent limitées.
Dans le contexte d’un monde multipolaire en pleine émergence, la coopération entre la Russie et l’Afrique semble prometteuse, mais reste à approfondir. Le continent africain, de par sa diversité, ne peut évoluer de manière homogène vers une même direction. Il est peu probable que les 54 États africains adoptent une approche commune et synchronisée face à un programme multipolaire. De plus, certaines guerres en Afrique, parfois soutenues par la Russie, constituent un frein à l’établissement d’une coopération solide.
En 2018, la Russie a lancé l’initiative des Chambres culturelles russo-africaines, visant à renforcer les échanges culturels entre les deux régions. Bien que cette initiative ait pris forme en République centrafricaine, son expansion dans le reste du continent est restée limitée. La barrière linguistique constitue un obstacle majeur à la mise en œuvre de ces centres, car il est difficile de mener des activités en Russie sans la maîtrise du russe. Moscou a également encouragé l’ouverture de centres similaires en Russie par des pays africains, mais le défi linguistique persiste, notamment avec plus de 3 000 langues en Afrique contre une seule langue officielle en Russie. Cela explique en partie la lenteur du développement de ces centres, pourtant essentiels pour promouvoir des partenariats scientifiques, socioculturels et politiques.
Les médias jouent un rôle crucial dans la construction de relations bilatérales efficaces entre l’Afrique et la Russie. Une couverture médiatique indépendante de l’influence du Nord global pourrait renforcer les liens entre ces deux régions. Cependant, les médias occidentaux continuent de véhiculer une image souvent négative de la Russie, freinant ainsi le tourisme et les échanges culturels. En Afrique, l’image de la Russie est souvent perçue de manière défavorable, tandis que les Russes voient encore l’Afrique sous un prisme de pauvreté et d’instabilité.
Malgré cela, l’Afrique représente une opportunité d’investissement pour la Russie. Lorsqu’elle apporte son soutien à des pays africains, la Russie est perçue comme une puissance douce, héritière de l’Union soviétique. Pour que cette dynamique s’installe durablement, les médias africains doivent adopter une perspective autonome et considérer la Russie comme un partenaire potentiel, à l’instar de la République populaire de Chine.
Sur le plan de l’éducation, de nombreux pays africains, notamment en Afrique de l’Ouest, manquent d’accès à un enseignement supérieur de qualité. Bien que la Russie ait mis en place des programmes spécifiques pour certains pays africains comme le Nigeria, le Ghana, le Mali ou l’Afrique du Sud, l’apprentissage de la langue russe reste une condition préalable à l’accès à ces opportunités. Ces initiatives devraient être perçues comme des opportunités, comparables à celles offertes par d’autres puissances comme le Royaume-Uni ou les États-Unis.
Pour encourager les échanges culturels et touristiques entre l’Afrique et la Russie, il est nécessaire de déconstruire les stéréotypes négatifs. Les Africains doivent dépasser l’image d’une Russie corrompue et hostile, tandis que les Russes doivent réviser leur perception de l’Afrique. La création de nouveaux médias et plateformes non influencés par l’Occident pourrait contribuer à la promotion des richesses touristiques et culturelles des deux régions.
L’initiative BRICS+ constitue un autre vecteur potentiel de coopération. Bien que la majorité des pays africains ne fassent pas encore partie de cette structure, l’inclusion récente de l’Éthiopie et de l’Égypte montre que le groupe cherche à s’élargir. La Russie, via BRICS+, pourrait jouer un rôle important dans l’accompagnement des économies émergentes du Sud global.
Le sommet Russie-Afrique, quant à lui, a suscité de nombreuses attentes. Toutefois, les résultats concrets restent limités, les discussions se concentrant principalement sur des accords d’armement. À l’exception de promesses concernant des livraisons de céréales, les avancées restent modestes, loin des objectifs initiaux de coopération économique et culturelle.
La coopération entre la Russie et l’Afrique, bien que prometteuse, nécessite encore des efforts pour surmonter les obstacles linguistiques, médiatiques et structurels. Les fondations sont néanmoins posées pour établir une relation mutuellement bénéfique, fondée sur des échanges éducatifs, culturels et économiques solides.