Des tensions diplomatiques entre le Maroc et la Mauritanie sont à leur paroxysme suite à une décision abrupte des autorités mauritaniennes d’augmenter de 171% les taxes douanières appliquées aux marchandises marocaines transitant par le passage d’El Guerguerat, situé à la pointe sud du Sahara.
Selon un reportage publié ce dimanche par un journal marocain, plusieurs camions de transport de marchandises en provenance du Maroc sont actuellement bloqués à la frontière mauritanienne en raison de cette augmentation soudaine et substantielle des tarifs douaniers. Les chauffeurs et commerçants ont été pris au dépourvu lorsque les taxes ont été augmentées de 1600 à 4600 euros pour un camion gros porteur, sans préavis.
Des chauffeurs ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas traverser la frontière en raison des coûts prohibitifs, et même s’ils pouvaient payer les nouvelles taxes, la hausse aurait un impact significatif sur les prix de leurs marchandises, principalement des fruits et légumes, rendant difficile leur vente sur les marchés mauritaniens. Selon les statistiques marocaines, environ 45 000 camions ont traversé le passage d’El Guerguerat en 2022.
En novembre 2020, pour rappel, l’armée marocaine avait attaqué la zone d’El Guerguerat, entraînant la reprise de la lutte armée par le Front Polisario, qui a accusé le Maroc de violer les accords de cessez-le-feu de 1991. Cependant, cette région est également le théâtre de violences avec des attaques récurrentes de l’armée marocaine contre des civils.
La décision des autorités mauritaniennes intervient alors que des rapports faisant état d’une nouvelle agression de l’armée marocaine contre des civils mauritaniens. Des drones auraient été utilisés pour tirer sur des orpailleurs, entraînant la mort de trois ressortissants mauritaniens le 31 décembre dernier, selon des informations de médias, dont l’agence espagnole EFE.
Ce n’est pas la première fois que des civils mauritaniens ou algériens sont ciblés par l’armée marocaine à la frontière entre le Sahara occidental et la Mauritanie. Le 1er novembre 2021, trois commerçants algériens ont été tués par l’aviation marocaine. Une provocation contre l’Algérie avait alors saisi plusieurs organisations internationales dans un contexte de fortes tensions entre les deux pays et au moment où le Maroc intensifiait ses relations militaires avec Israël. Les attaques contre les mauritaniens sont encore plus récurrentes.
Par ailleurs, le 23 décembre, le Maroc a proposé une alliance géostratégique et économique à quatre pays du Sahel, à savoir le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, mettant en avant le « désenclavement » des quatre pays du Sahel par l’utilisation des infrastructures portuaires marocaines. Cependant, cette proposition est tributaire de l’accord de la Mauritanie, suscitant des interrogations sur la corrélation entre tous ces événements. Des observateurs ont même vu une énième tentative du Maroc de saper le projet algérien de route transsaharienne, comme il tente de le faire pour le projet de gazoduc transaharien (TSGP) entre l’Algérie et le Nigeria.