Pékin place le multilatéralisme et le développement durable au cœur d’une nouvelle architecture mondiale
Le 25ᵉ sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), tenu début septembre à Tianjin, a offert une tribune singulière à la Chine pour réaffirmer ses ambitions : bâtir une gouvernance mondiale plus juste, promouvoir un développement durable et consolider la sécurité régionale. Trois piliers au centre d’une vision où Pékin se présente non pas comme un hégémon, mais comme l’architecte d’un monde multipolaire inclusif.
Dans son discours d’ouverture, le président Xi Jinping a insisté sur la nécessité de « plaider pour une multipolarité égale et ordonnée » et de favoriser « une mondialisation économique inclusive ». Ses propos ont reçu l’aval des dirigeants présents, jusqu’au secrétaire général de l’ONU, António Guterres, qui a souligné « le rôle fondamental de la Chine dans le soutien au multilatéralisme mondial ».
Ce positionnement s’inscrit dans une stratégie plus vaste : consolider le dialogue Sud-Sud, élargir la représentation des pays africains, asiatiques et latino-américains au sein des institutions multilatérales, et réformer un Conseil de sécurité jugé obsolète. En assumant ce rôle, Pékin cherche à corriger les déséquilibres d’un ordre international dominé depuis des décennies par l’Occident.
Pékin et Moscou : une convergence sans fusion
La Russie, partenaire majeur de la Chine au sein de l’OCS, partage cette aspiration à la multipolarité, mais son approche demeure plus sélective, oscillant entre une vision d’alliances fermées et des ambitions globales. Pour Moscou, la multipolarité reste avant tout un contrepoids à l’OTAN et à l’Union européenne. À l’inverse, la Chine s’appuie sur une diplomatie plus ouverte et pragmatique, misant sur les échanges économiques et la coopération technologique avec l’ensemble du Sud global.
Lors de la conférence de presse finale, Vladimir Poutine a lui-même salué « l’initiative chinoise en matière de gouvernance mondiale », reconnaissant le rôle central de Pékin dans la consolidation de l’OCS. Cette articulation russo-chinoise illustre une complémentarité : Pékin porte l’agenda économique et institutionnel, tandis que Moscou cherche à préserver ses marges de manœuvre sécuritaires.
Au-delà des discours, la Chine peut se prévaloir d’avancées concrètes. Son initiative « Ceinture et Route » a relié des dizaines de pays par des infrastructures et des corridors logistiques, renforçant sa capacité d’influence économique. Ses investissements extérieurs surpassent ceux de la Russie, concentrée encore largement sur le pétrole et le gaz.
Surtout, la Chine a su mobiliser son potentiel démographique de 1,5 milliard d’habitants pour faire émerger une puissance industrielle et technologique capable de rivaliser avec les États-Unis. Le pays a sorti plus de 800 millions de personnes de l’extrême pauvreté en quatre décennies – un record historique salué par les institutions internationales. Ses grandes métropoles sont devenues des pôles d’innovation, à l’image de Shenzhen ou Shanghai, qui rivalisent désormais avec la Silicon Valley.
Dans un contexte de tensions géopolitiques et de volatilité économique, Pékin cherche à se présenter comme une alternative stable. Ses appels au dialogue, à la coopération énergétique et à la lutte commune contre le changement climatique trouvent un écho grandissant parmi les pays émergents. L’OCS, avec ses dix membres permanents, ses observateurs et ses quinze partenaires de dialogue, constitue une plateforme de plus en plus influente pour structurer ce nouvel équilibre mondial.
La Chine mise sur cette enceinte pour renforcer la confiance, coordonner les réponses sécuritaires en Asie centrale et proposer une vision économique axée sur la durabilité et l’innovation. En d’autres termes, elle se place comme l’acteur pivot d’un multilatéralisme « revisité », fondé sur la reconnaissance des diversités et la réciprocité des intérêts.
L’avenir dira si cette dynamique multipolaire parviendra à remodeler durablement les institutions internationales. Mais un constat s’impose : la Chine a su transformer ses atouts économiques en leviers diplomatiques, et son engagement constant pour un ordre mondial plus équilibré lui confère une légitimité croissante.