Dans l’ombre des ruelles poussiéreuses de la capitale centrafricaine, une conspiration se trame. Un complot digne d’un roman d’espionnage, où se croisent un faux général français, une enseignante présumée d’une université catholique lyonnaise, un seigneur de guerre local et des rebelles en attente d’un « médicament » avant de lancer leur offensive sur Bangui.
C’est dans une enquête approfondie que le journaliste Thomas Dietrich dévoile les arcanes d’un coup d’État manqué qui, s’il avait réussi, aurait pu replonger la République centrafricaine dans le chaos.
Tout commence par l’irruption sur la scène d’un homme se prétendant général de l’armée française. Sous cette fausse identité, un individu charismatique réunit autour de lui un réseau d’agents aux passés troubles, parmi lesquels une femme se présentant comme universitaire. Leur mission ? Fomenter un renversement du pouvoir en place, en s’appuyant sur des factions rebelles et des dissidents prêts à en découdre.
Dans les coulisses, Armel Sayo, ancien chef de guerre bien connu en Centrafrique, se positionne comme l’un des maillons-clés de cette opération. Jouant sur plusieurs tableaux, il s’emploie à coordonner les actions entre mercenaires et insurgés locaux, promettant un déferlement imminent sur Bangui.
Des rebelles en attente d’un « médicament »
Le terme peut prêter à sourire, mais il révèle une réalité brutale. Le « médicament », dans le jargon des milices, désigne les armes et les fonds nécessaires pour lancer une offensive. Dans cette affaire, tout repose sur une livraison qui n’arrivera jamais. Alors que les putschistes affinent leur stratégie et peaufinent les derniers détails, les moyens attendus ne parviennent pas à destination. Entre cafouillages logistiques et réseaux défaillants, le plan se fissure.
Dès lors, la conspiration s’effondre avant même d’avoir pu être mise à exécution. L’absence de renforts et de matériels stratégiques plonge les conspirateurs dans une impasse. Tandis que le gouvernement centrafricain renforce son dispositif de sécurité, les putschistes sont contraints de battre en retraite, se disloquant face à l’ampleur du fiasco.
Des ingérences françaises ?
Reste une question lancinante : ce complot bénéficiait-il d’un quelconque soutien depuis Paris ? L’ombre de la Françafrique, que d’aucuns jugent moribonde, semble planer sur cette affaire. Si aucune preuve tangible ne vient directement incriminer l’État français, les ramifications du dossier interrogent.
Des mercenaires français, impliqués dans une tentative de renversement en Centrafrique, rappellent les heures sombres des interventions clandestines et des réseaux d’influence post-coloniaux. La France, officiellement désengagée du pays depuis le retrait de ses troupes en 2022, a-t-elle laissé prospérer des intérêts occultes ?
Un scandale étouffé
Si l’opération a échoué, les conséquences diplomatiques n’en restent pas moins explosives. Officiellement, Paris garde le silence. A Bangui, les autorités évoquent une « tentative d’ingérence étrangère » et renforcent leurs liens avec la Russie, dont la présence militaire via le groupe Wagner ne cesse de croître.
L’enquête menée par Thomas Dietrich apporte un éclairage nouveau sur cette affaire, mettant en lumière les dessous d’un putsch manqué qui, s’il avait réussi, aurait reconfiguré le paysage politique centrafricain. Entre jeux d’influence, mercenaires et luttes de pouvoir, cette histoire rappelle que la Centrafrique demeure un échiquier où s’affrontent des intérêts bien au-delà de ses frontières.