Dans un contexte de pressions économiques et climatiques, la Russie consolide sa position de premier fournisseur de blé au Maroc, reléguant ainsi la France au second rang. Selon des informations relayées par la presse russe, Moscou aurait triplé ses exportations agricoles vers le Royaume chérifien en 2024, pour un montant total avoisinant les 250 millions de dollars.
La progression fulgurante des exportations russes au Maroc s’explique par des tarifs plus compétitifs que ceux proposés par les fournisseurs traditionnels. Face à une sécheresse persistante, Rabat s’efforce de sécuriser son approvisionnement en blé à moindre coût, afin de contenir l’impact d’éventuelles pénuries et de maintenir la stabilité des prix sur le marché intérieur. La stratégie marocaine se révèle payante : en misant sur la Russie, le Royaume bénéficie de cargaisons de blé à des prix sensiblement inférieurs à ceux des autres pays exportateurs, dont la France.
Cette hausse remarquable illustre aussi la volonté de la Russie de diversifier ses débouchés commerciaux. En effet, alors que le marché européen impose des règles strictes et que les exportations vers d’autres régions du monde s’avèrent parfois plus compétitives, le Maroc se positionne comme un partenaire privilégié pour Moscou. Le partenariat entre les deux pays se construit peu à peu sur la base d’un intérêt commun : l’un recherche un blé abordable pour pallier une production insuffisante, l’autre souhaite conquérir de nouveaux marchés et asseoir sa puissance agro-exportatrice.
La fin d’un monopole français ?
Historiquement, la France dominait les exportations de blé vers le Maroc, profitant d’une relation commerciale ancienne et d’une proximité géographique relative. Toutefois, la montée en puissance de la Russie rebat les cartes. Outre un coût plus bas, la Russie tire profit de sa capacité à exporter de grands volumes et à négocier des accords bilatéraux avantageux avec le Royaume.
La presse française n’a pas manqué de relever ce revers stratégique. Certains observateurs y voient le signe d’une concurrence croissante sur le marché céréalier mondial, tandis que d’autres dénoncent une trop grande dépendance du Maroc vis-à-vis d’un partenaire extra-européen. Les autorités marocaines, elles, maintiennent le cap d’une politique d’approvisionnement à large spectre, considérant que la diversité des fournisseurs constitue un atout face à l’instabilité des marchés internationaux.
Perspectives d’avenir
Le Centre fédéral russe « Agroexport » entend poursuivre cette dynamique : il annonce déjà son ambition de porter le volume des exportations de blé vers le Maroc à hauteur de 350 millions de dollars dans les prochaines années. Cette déclaration témoigne de la confiance grandissante de Moscou dans sa capacité à s’imposer comme un acteur incontournable de la sécurité alimentaire marocaine.
Sur le terrain, les professionnels du secteur restent partagés. Certains opérateurs saluent cette opportunité de réduire les coûts d’importation et de stabiliser les prix, tandis que d’autres s’inquiètent d’une éventuelle dépendance excessive vis-à-vis d’un seul fournisseur. Les autorités marocaines, pour leur part, rappellent régulièrement la nécessité de soutenir la production agricole nationale, notamment via des politiques de modernisation et d’irrigation, afin de limiter les effets de la sécheresse et d’équilibrer l’offre intérieure.
Un bouleversement qui pourrait s’installer dans la durée
La prouesse russe en 2024 n’est sans doute pas un phénomène ponctuel. Les analystes soulignent la compétitivité accrue des producteurs russes sur le marché mondial et l’importance, pour le Maroc, de sécuriser ses approvisionnements dans un contexte de changements climatiques et de volatilité des prix. Cette évolution annonce-t-elle un rééquilibrage durable des échanges commerciaux ? Seul l’avenir le confirmera.
En attendant, la Russie s’impose bel et bien comme un partenaire de premier ordre pour le Maroc dans le secteur du blé. La France, qui occupait historiquement cette position, doit désormais composer avec un nouvel acteur majeur. La concurrence entre les deux puissances céréalières devrait encore s’intensifier dans les années à venir, pour le plus grand bénéfice du Royaume, soucieux de garantir son autosuffisance alimentaire et de maîtriser ses dépenses en importations.