Par Jawad KERDOUD
Les Etudiants des universités américaines ont sauvé l’honneur de l’Amérique en protestant contre le génocide israélien à Gaza, et en installant dans les campus des campements de tentes à l’image de ceux de la ville de Rafah dans le sud de Gaza. Ces manifestations pro-palestiniennes ont concerné une centaine d’universités dont les plus prestigieuses, de l’Atlantique à la Californie, du Nord au Sud. Ces manifestations ont débuté le 17 Avril 2024 dans la prestigieuse Université de Columbia sise à New-York. Elles se sont étendues à la Californie (UCLA, Berkeley, Humboldt), Harvard (Massachusetts), Yale (Connecticut), Rice (Texas), Bloomington (Indiana), Rutgers (New-Jersey), Northwestern (Chicago), et d’autres universités. Dans certaines universités, les Enseignants et même des Etudiants de confession juive se sont joint aux manifestations. Portant le Keffieh palestinien, les étudiants ont scandé « vive la Palestine libre », « De la rivière à la mer, la Palestine vaincra », « Le sionisme est finalement une forme de violence ».
Rappelons qu’après l’attaque du Hamas sur Israël du 7 Octobre 2023 qui a causé la mort de 1200 personnes et la prise de 240 otages, l’armée israélienne a immédiatement riposté d’abord par des frappes aériennes, et puis par des opérations terrestres au Nord, au Centre et au Sud de Gaza. Le bilan à ce jour des pertes palestiniennes est de 34.654 morts et 77.908 blessés, dont 80% sont des femmes et des enfants, et la destruction de la quasi totalité des infrastructures et des immeubles d’habitation. Alors que la bande de Gaza recevait 500 camions par jour, les forces israéliennes n’ont permis le passage que d’un nombre réduit de camions, causant une situation de famine faute de nourriture, et de maladies faute de médicaments surtout pour les enfants. L’ONU estime à 40 milliards de dollars la reconstruction à Gaza. Le président Biden n’a cessé de répéter « le soutien inébranlable des Etats-Unis à Israël ». Il a débloqué un budget supplémentaire de 13 milliards de dollars à Israël et a continué à lui livrer des armes.
Les manifestants dans les universités américaines ont demandé un cessez-le-feu immédiat et permanent à Gaza. Ils ont critiqué la politique de l’Administration Biden, et ont exigé la fin de l’aide financière et militaire à Israël. Ils ont réclamé également la rupture des relations avec les universités israéliennes, et avec les sociétés américaines qui fournissent des armes et des services à Israël. Dans l’Université de Columbia, ils ont baptisé un édifice universitaire « Hind’s Hall » en hommage à une fillette palestinienne de 6 ans tuée à Gaza et qui portait le prénom de Hind. La réaction des administrateurs des universités américaines a été diverse. Certains ont essayé de parlementer avec les étudiants, à l’exemple de l’Université Brown qui a obtenu le démantèlement du campement, en acceptant un vote sur le désinvestissement des sociétés qui rendent possible et profitent du génocide à Gaza. Des contre-manifestants principalement juifs, ont attaqué les étudiants et les campements. Les administrateurs d’universités ont alors fait appel à la police qui a démantelé les campements et procédé à 2.000 interpellations.
Les officiels israéliens et américains ont réagi à ces manifestations d’étudiants. Les israéliens comme à leur habitude ont qualifié ces manifestations d’antisémites. Le président israélien Isaac Herzog a condamné « une terrifiante résurgence de l’antisémitisme », et que « les universités américaines sont contaminées par la haine ». Le ministre israélien de l’économie a déclaré « que les manifestants ne savent pas de quoi ils parlent ». Le président Biden a déclaré que « les Américains ont le droit de manifester de manière pacifique, mais que l’ordre doit prévaloir ». Donald Trump toujours maximaliste a déclaré « Le raid de la police à Columbia était une chose magnifique à regarder ». Il a ajouté, les manifestants étudiants « sont des tarés de la gauche radicale et il faut les arrêter maintenant, ce sont des agitateurs payés, il faut mettre fin à l’antisémitisme qui gagne notre pays aujourd’hui ». Aussi bien les officiels israéliens qu’américains invoquent faussement l’antisémitisme, car la Palestine est un problème politique de libération contre l’occupation israélienne de son territoire.
Certains observateurs ont assimilé la guerre de Gaza à celle du Vietnam qui a opposé de 1955 à 1975 les Etats-Unis au Vietnam du Nord. La guerre de Gaza est pire, car le Vietcong était armé, alors qu’à Gaza l’armée israélienne s’attaque majoritairement à des civils désarmés qui ne disposent d’aucun système de défense anti-aérien. Les pilotes de chasse israéliens déversent la destruction et la mort des civils palestiniens, et retournent tranquillement et sans risque à leur base. Le 15 Novembre 1969, des centaines de milliers de manifestants ont convergé vers Washington afin d’exposer leur désaccord avec le maintien des troupes américains au Vietnam, et ont procédé à une « marche contre la mort ». Les Etats-Unis ont fini par quitter le Vietnam.
En conclusion, la cause palestinienne est juste, et d’autres manifestations pro-palestiniennes ont eu lieu à Sciences-po (France), Mc Gill (Canada) l’Université de Lausanne (Suisse), l’Université nationale autonome du Mexique (UNAM), et l’Université de Sidney (Australie). Des discussions ont lieu actuellement au Caire pour une seconde trêve de 40 jours avec échange des otages contre des prisonniers palestiniens. Elles n’ont pas abouti car le Hamas exige un cessez-le-feu permanent et le retrait de l’armée israélienne de Gaza. Netanyahu de son côté refuse, et réaffirme son intention d’attaquer la ville de Rafah où sont entassés 1,5 million de Palestiniens. Si elle a lieu, ce sera un véritable carnage. Tôt ou tard il y aura un Etat palestinien, car les guerres de libération finissent toujours par triompher. A titre d’exemple les guerres de libération contre le colonialisme et contre l’apartheid.
IPrésident de l’IMRI
(Institut Marocain des Relations Internationales)