À Kigali en mai 2021, Emmanuel Macron avait admis _« les responsabilités de la France »_ dans le dernier génocide du XXe siècle, deux mois après la remise du rapport Duclert (« La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi »). Cette année, s’il ne se rendra pas à Kigali pour les commémorations (il a envoyé son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné), il diffusera une vidéo dans laquelle il reconnaîtra que la France _« aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains »_ mais qu’elle _« n’en a pas eu la volonté »_.
Le projet génocidaire était connu de responsables français dès 1990, alors que la France déploie des militaires dans le cadre de l’opération Noroît pour contrer une attaque du Front patriotique rwandais (FPR, composé de réfugiés tutsis et de Hutus modérés). Les quatre années suivantes virent la montée en puissance de cette organisation, orchestrée par les extrémistes du régime de Juvénal Habyarimana et ce malgré les négociations et les accords de paix d’Arusha, conclus en août 1993. Cette « montée des périls » est le sujet du premier roman de la journaliste Maria Malagardis, _Avant la nuit_, paru chez Talent éditions, et d’un documentaire qu’elle a coréalisé avec Michaël Sztanke, et Seamus Haley.
Le livre est un polar dans lequel Élise, une journaliste française noire qui vit et travaille en Belgique, finalise un documentaire sur Diane Fossey, célèbre primatologue étatsunienne assassinée au Rwanda en 1985, quand trois enfants sont sauvagement tués. Ce meurtre intervient six mois avant le 6 avril 1994, date de l’attentat contre l’avion du président rwandais, qui servira de prétexte au déclenchement des massacres qui feront un million de mort en 100 jours.
L’enquête d’Élise sur ce fait divers sordide, aux côtés de Ben et Ousmane, deux officiers de la Mission des Nations unies d’assistance au Rwanda (Minuar, déployée au Rwanda d’octobre 1993 à mars 1996), sert de fil rouge au roman. _« Ce fait divers a vraiment existé_, explique la journaliste de _Libération_ qui couvre le Rwanda depuis le génocide. _La Minuar a effectivement enquêté sur ce meurtre, et les indices incriminant le FPR laissés sur les lieux du crime c’est également vrai. »_ Les coupables n’ont jamais été retrouvés mais la piste d’une manipulation orchestrée par des militaires hutus, afin d’attiser la haine dans la population contre le FPR et les Tutsis, est une quasi certitude.
Au fil des pages, les faits divers se multiplient, les confidences de personnages radicalisés (un homme d’affaires, un informateur, un politicien…) sont plus radicales, le fanatisme de la population se fait jour : petit à petit apparaît le projet génocidaire. _« J’ai voulu montrer cette montée des périls, qui, selon moi, est très importante pour comprendre comment ce génocide a pu être aussi fulgurant »_, poursuit la journaliste.
Cette thématique est également la trame du documentaire « Rwanda, vers l’apocalypse », qui sera diffusé ce dimanche 7 avril, sur France 5. Il raconte comment de _« grands intellectuels »_, selon l’un des intervenants, le journaliste et historien Jean-François Dupaquier, ont préparé minutieusement l’extermination des Tutsis en s’appuyant sur _« l’expérience hitlérienne »_ et avec le soutien sans faille de la France.
Source: Afrique XXI https://afriquexxi.info/Commemoration