Sur fond de bouleversements politiques et de recompositions stratégiques, l’Afrique aborde une année charnière où les urnes s’imposent comme un révélateur des fragilités démocratiques autant que des aspirations souverainistes.
L’année 2025 marque un tournant pour le continent africain. D’un bout à l’autre du Sahel, de la Côte d’Ivoire au Cameroun, les transitions électorales se mêlent aux secousses institutionnelles et aux revendications sociales. Entre espoir d’émancipation et retour des réflexes autoritaires, le paysage politique africain se redessine dans un climat de tension et d’incertitude.
Au Cameroun, l’élection présidentielle du 12 octobre cristallise un pouvoir figé depuis plus de quatre décennies. À 92 ans, Paul Biya s’accroche à la présidence, prolongeant un régime qui allie stabilité économique et répression politique. La lassitude gagne une population désabusée, surtout dans les régions anglophones encore marquées par les crises sécuritaires.
En Côte d’Ivoire, le scrutin du 25 octobre s’annonce tout aussi décisif. Alassane Ouattara brigue un quatrième mandat, après l’exclusion de Laurent Gbagbo et de Tidjane Thiam par le Conseil constitutionnel. Malgré une croissance soutenue, la persistance des inégalités et des tensions ethniques alimente les craintes d’un nouvel épisode de violence politique. L’ombre de Simone Gbagbo plane encore sur la scène nationale, tandis que la société civile redoute une résurgence des fractures de 2010.
Dans le Sahel, l’Alliance des États du Sahel (AES), regroupant le Mali, le Niger et le Burkina Faso, s’impose comme le symbole d’une Afrique en quête de souveraineté. Née du rejet des ingérences étrangères et des tutelles occidentales, l’alliance incarne une affirmation anti-impérialiste inédite depuis 2020. Mais cette quête d’indépendance s’accompagne d’un durcissement politique : au Tchad, la condamnation à vingt ans de prison de l’opposant Succès Masra illustre la fermeture de l’espace démocratique. Les manifestations de jeunes réclamant plus de liberté sont désormais perçues comme des menaces pour l’État.
Le Bénin, sous la présidence de Patrice Talon, fait figure d’exception. L’annonce de son départ en 2026 et la promesse d’un rétablissement des libertés démocratiques contrastent avec la tendance régionale. Cette dynamique interpelle : pourquoi le continent peine-t-il à consolider des transitions apaisées malgré la demande croissante de gouvernance responsable ?
En République démocratique du Congo, les fragiles accords de paix signés avec le Rwanda en juin 2025, sous l’égide de Washington, illustrent les limites du pragmatisme diplomatique. Si ces ententes préservent une trêve, elles reposent sur un équilibre instable entre intérêts miniers et impératifs sécuritaires. Les appels à une intégration régionale plus solide se multiplient, mais les rivalités ethniques et économiques freinent toute consolidation durable.
Sur le plan international, la rencontre Trump–Poutine tenue en Alaska à l’été 2025 a redéfini les rapports de force mondiaux. Pour de nombreux dirigeants africains, cet épisode rappelle la nécessité de dépasser la logique des blocs et d’ancrer les politiques extérieures dans la défense des intérêts nationaux. Entre la tentation du non-alignement et l’émergence d’alliances Sud–Sud, l’Afrique cherche à s’imposer comme un acteur autonome, lucide face aux ambitions impériales concurrentes.
À l’heure où se mêlent corruption endémique, instabilité politique et pressions extérieures, l’avenir du continent repose plus que jamais sur une coopération panafricaine renouvelée. Les scrutins à venir, s’ils sont menés dans la transparence, pourraient redéfinir la trajectoire d’une Afrique qui aspire à conjuguer souveraineté politique et renaissance institutionnelle.